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le passant


Son chapeau, ses habits sont couverts de poussière.
Il est noir et le blanc de ses yeux semble noir…
Nul ne lui parle. Il devient las, et, pour s’asseoir,
Il étend, sur un banc, sa main lourde et grossière.

L’aïeule, dans son coin, dit : « Qu’il mange à la fin,
Qu’il mange ! On ne sait pas ce que le temps nous garde ! »…
La fille va chercher du pain. L’homme regarde
De ses yeux éclairés des lueurs de la faim…

La fille, vivement, sur l’ordre de l’aïeule,
Lui met du lait, des œufs, des tranches de pain brun,
Et des morceaux de lard, qu’il avale un à un,
— Tel un amas de grain qui passe sous la meule ! —

Et quand il a mangé le lait, les œufs, le pain,
Et tout ce lard épais à la couenne fleurie,
Il se lève de table en bâillant, et s’essuie
La bouche et le menton du revers de la main.

Puis, il reprend son sac, et d’une voix très forte,
Dit : « Partout, je voudrais en retrouver autant :
Votre lard est bien bon, madame ! » et le passant
Sort, en faisant tourner la « clanche » de la porte…