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le poème des arbres

Les chênes, les sapins, les pins ce sont les pères.
Ils vivent de longs jours et vieillissent heureux.
Mais, quand le doigt du temps vient s’abattre sur eux,
Quand, blessés par les ans et vaincus de la vie,
Résignés à la mort, sans regret, sans envie,
Ne sentant plus la sève en leur âme fleurir,
Les viellards des forêts se penchent pour mourir,
Leurs fils aimants, les ifs, les trembles et les saules,
Dont la force arrondit les robustes épaules,
Les gardent sur leur cœur et leur font, de leurs bras,
Le plus calme tombeau qu’il existe, ici-bas !…
Et les arbres, entre eux, se parlent. Leur langage
A des accents secrets qui nous charment. Je gage
Que si Dieu nous laissait les comprendre un seul jour,
Si nous les entendions dire leurs mots d’amour,
Nous, les amants humains dont la lèvre brûlante
Verse les mots, comme une source ruisselante,
Nous nous tairions, jaloux, enivrés, et muets,
En écoutant parler les arbres des forêts ;
Dédaignant à jamais nos paroles mièvres,
Nous laisserions mourir les aveux, sur nos lèvres !…

III

Les arbres sont des cœurs que Dieu n’a pas finis.
Altérés de lumière, avides d’infini,