Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 61 —

avec elles dans les grands espaces bleus, et sur les ondes paisibles où le divin silence règne dans les brumes du soir ! Tu n’auras plus la nostalgie des landes brunes, des rivières chantantes, et des montagnes vertes aux noires profondeurs ! Va, je te rends ton pays natal, ta rivière aux bords fleuris, l’air, le soleil, la vie. Va-t-en ma belle captive ! » Et elle s’en alla. Elle se dressa sur ses pattes, se débattit, se secoua, puis s’élançant de toute la force de ses ailes, elle s’enfuit. Quelques instants après, je ne la voyais plus. Le lendemain, je crus reconnaître son cri parmi les bruits multiples qu’apporte le vent du soir. Et ce cri chantait la délivrance et la joie…

J’ai songé bien des fois à l’outarde captive. Durant son exil, elle était l’image de ces êtres vulgaires que nulle pensée haute n’élève. La plaine les retient. Ils ne voient pas les cimes. Ils sont paralysés dans le limon de la terre, et rien ne peut les sortir de leur prison et de leur nuit. Au contraire, les âmes vibrantes ont des ailes. Comme l’outarde délivrée de ses liens, elles peuvent à toute heure du jour et de la nuit fuir vers la lumière du ciel. L’outarde libre, c’est l’âme humaine forte de sa pensée, de sa