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l’huile. L’été, et tant que le vent le permettait, elle s’asseyait dehors, près du vieux perron aux marches tremblantes, du côté du soleil et de la montagne. C’était une jolie vieille dont le visage avait du charme et de la dignité. Ses petits yeux, gris comme la mer, s’embusquaient sous des sourcils blonds. Ses cheveux blancs frisaient joliment sur les tempes. Sa petite coiffe de grenadine encadrait bien son doux visage encore rose… Cette femme était belle de la beauté des saintes…

Que de fois, par les beaux soirs d’été, en revenant de l’école, j’apercevais de loin la chère vieille filant au milieu des rayons du soleil couchant ! Des feux magnifiques scintillaient au-dessus d’elle. C’était comme l’apothéose de la fileuse… Au fond, les montagnes se recouvraient d’un voile mauve. Les forêts, les ravines, tout s’enveloppait d’ombre et de silence. La mer venait tranquillement mourir à nos pieds. L’oiseau, caché dans les broussailles, achevait ses chants d’amour. Un incendie céleste répandait ses flots ardents sur la crête des monts. Et tandis que son bras vigilant tournait la roue du rouet, parmi cette poussière dorée, il me semblait que grand’mère filait du soleil !…