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LE PORTRAIT.

lentement derrière les charrettes pleines de gerbes… C’était son premier amour, et cet amour avait surgi comme par enchantement, pareil à un bouton de rose que l’on voit s’ouvrir subitement sous les ardeurs du soleil…

Il n’était plus jeune — ayant depuis plusieurs années dépassé la trentaine — et jamais aucune fille ne lui avait tourné la tête. Mais voilà que cette Marthe L’Heureux, toute mignonne, toute frêle, avec sa bouche petite et rose comme une fraise, ses yeux langoureux, ses cheveux d’or relevés en chignon sur la tête, comme les ont ces belles paysannes dessinées par les peintres, voilà qu’elle avait pris son cœur d’assaut, qu’elle s’était emparé de la forteresse de son âme toute neuve…

Et maintenant, il était amoureux à en devenir fou, à en mourir… Il ne se reconnaissait plus ; il n’était plus le même homme. Tout paraissait changé autour de lui, tout était embelli. Les oiseaux du bois chantaient avec une voix divine, les plus humbles fleurs lui semblaient ravissantes, les arbres avaient des frémissements qu’il ne leur