Page:Lamotte - L'éducation rationnelle de l'enfance, 1922.djvu/7

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faut croire, il faut respecter, il faut se taire et se courber. De l'enfant impétueux, libre et volontaire, on va faire la matière inerte et docile propre à tous les esclavages et à toutes les résignations. On va tuer l’homme, pour faire le citoyen, l'ouvrier, le soldat, l'honnête électeur, l’esclave satisfait de sa servitude ― et c'est l'œuvre de l’école, aux mains des puissants et des maîtres.

L'enfant tout petit voit des choses merveilleuses et comme il ne peut pas savoir où en est la découverte humaine, puisqu'il arrive, il soupçonne des choses plus merveilleuses encore. On a dit souvent que l'enfant a beaucoup d'imagination, ce n’est pas cela : l'enfant a l'imagination illimitée. La limite du possible, il l'ignore. Et c'est lui qui est dans le vrai : l'impossible d'aujourd'hui est le possible de demain, comme le possible d'aujourd'hui était impossible hier et, en principe, tout sera possible à l'homme.

Donc, l'enfant voit des oiseaux, des machines qui roulent, des bateaux, des horloges, des étoiles, l’eau qui suit les pentes, des bêtes qui vivent dans l’eau, des ballons de trois sous qui narguent la pesanteur et des cerfs-volants qui communiquent leurs impressions par une ficelle à ceux qui les tiennent. Quand sa mère allume la lampe, devant l'acte surprenant et magnifique qu’elle accomplit, lui seul s’émerveille, lui seul sait encore combien est grande et pleine de promesses la découverte du feu. Nous nous l'avons oublié et sottement vaniteux, nous sourions de ses émerveillements qui sont l'impression juste.

Cependant, si nous consentons à lui laisser son enfance, cet émerveillement, qui est sa vraie éducation, s’accroît, s'intensifie, gagne en clairvoyance, il découvre des choses non encore remarquées (et qui peut être n'avaient jamais été remarquées encore) ; il souhaite de reproduire ce qu'il voit; il veut transformer des choses: dans le feu ; diriger l'eau, l'enfermer, la faire jaillir ; il ajoute à sa toupie des accessoires destinés, dans sa pensée, à en modifier le mouvement; il se heurte à l'impossible, alors il pressent