Page:Lampryllos - La Séparation des deux éléments chrétien et musulman comme la solution la plus honnête et la plus praticable de la question d'Orient, 1868.djvu/35

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contrariante et quelquefois même hostile au percement de l’isthme ? Pourquoi n’en voulait-elle pas de ce canal qui doit servir ses intérêts commerciaux plus que ceux de toute autre nation ? Quelles sont les raisons supérieures qui lui faisaient rejeter des avantages si certains ? Voici ma pensée.

Qui peut assurer que, dans l’état de délabrement où se trouve l’empire ottoman, le canal pourra être tenu par des mains si débiles ? À toute occasion de perturbation européenne, l’Angleterre, comme maintes fois cela s’est vu, craignant d’être devancée par une autre puissance, songera peut-être à s’emparer de ce canal, objet d’importance majeure pour elle. En le faisant, elle aura à soutenir une guerre contre l’Europe ; en ne le faisant pas, elle vivra dans une perpétuelle inquiétude par la pensée que la France ne l’accomplisse. De son côté, la France, craignant d’être devancée par l’Angleterre, pourrait songer peut-être à tenter de nouveau ce que le général Bonaparte a exécuté jadis. Dans l’un ou l’autre cas, voilà un motif à des complications sérieuses, à une guerre européenne dont on ne saurait prévoir ni la durée ni l’issue.

Mais il y a autre chose encore. La Russie, voyant qu’elle ne pourra rien entreprendre sur le Bosphore sans s’exposer à avoir sur les bras une coalition européenne où elle risquerait tout, pourrait s’inspirer mieux et changer l’objectif de ses aspirations. Elle renoncerait totalement aux vues qu’elle pourrait y avoir, se prêterait à donner toutes les garanties désirables et nécessaires pour calmer les inquiétudes des puissances européennes et souscrirait à des compen-