Page:Lampryllos - Le Turban et la Tiare, 1865.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aurait jamais souffert la domination de la Russie, comme elle l’a montré lorsqu’elle a cru que l’occasion le réclamait. Mais il s’agit de nous seuls, et la Russie n’intervient que comme épouvantail.[1]

Mais que dis-je ? notre héritage ! insensé que je suis ! C’est de l’héritage de Mahomet qu’il s’agit, ainsi que nous l’apprend, joignant la fausseté aux vœux pervers, Louis-François-Désiré-Édouard Pie, évêque de Poitiers : « Il serait trop cruel que l’héritage de Mahomet devienne la proie de ces races perfides qui ont toujours abandonné nos braves à l’heure de l’action, et dont la trahison a tant de fois retardé nos succès[2]. » C’est-là, disons-nous, une insigne fausseté : il suffit de lire l’Histoire des Croisades, par Michaud, qui n’est pas un auteur suspect de partialité pour les schismatiques, et on verra de quel côté se trouvait plutôt la perfidie[3]. Et, puisque nous avons parlé de vœux pervers, que l’on se rappelle son mandement du 24 février 1861, où cet évêque, par de bien transparentes allusions, compare Napoléon III soit à Hérode, soit à Ponce-Pilate, qui pouvait bien, dit-il, sauver Jésus-Christ, mais qui s’y refusa[4], et où il invoque, pour le salut du papisme, l’auxiliaire du couteau de Judith. Il faut y joindre encore sa circulaire du 28 septembre 1859, où il débite un tas de faussetés sur l’exercice du pouvoir temporel par le pape, son oraison funèbre d’un coquin de la pire espèce qui avait combattu pour le pape à Castelfidardo, et dont il fait un martyr du Christ ; enfin, le plus superbe de ses travaux apostoliques, son ordonnance sur l’adoration du Saint prépuce, qu’il a voulu soutenir par une loterie de cinq cent mille francs ![5]. Voilà quels sont les hommes qui s’efforcent de toute manière et en toute occasion d’exciter la malveillance de la grande nation contre nous autres Grecs. Mais revenons à l’Univers catholique.

« C’est alors, » dit cette pieuse feuille, — lorsque l’héritage de la Grèce

    pays à l’Hellénisme, je l’entends par la voie de la civilisation et du progrès, et non par le moyen d’entreprises inconsidérées.

  1. Le Monde, du 25 au 26 mai 1860, à propos d’une note du prince Gortschakoff, s’écrie : « Mieux les Turcs que les Grecs. » La chose ne se cache plus ici sous l’épouvantail des Russes.
  2. Dans le Monde, cité par l’Observateur catholique, tome IX, page 158.
  3. Et puis eux, les ultra-papistes, osent parler de perfidie ! eux dont l’arsenal sacré est garni de décisions qui ordonnent la perfidie toutes les fois qu’elle convient aux intérêts du papisme ! Et y a-t-il eu un seul gouvernement en Europe, depuis que les papes se sont emparés du pouvoir temporel, un seul, dont l’histoire soit souillée d’autant de perfidies que celle du gouvernement papal ?
  4. Voir sur ce sujet dans l’opuscule de M. G. Mabru : les Papimanes (1862, Poulet-Malassis), tout le chapitre V où se trouvent de piquantes observations.
  5. Voir le Journal des Débats, 3 octobre 1859 et 31 octobre 1861 ; l’Indépendance belge, 25 novembre 1862, et à l’appui les n°° des 2, 4-8 de décembre 1862.