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serait rendu aux Grecs, — « c’est alors que nos missionnaires, nos frères de la doctrine chrétienne et nos sœurs de charité, contraints de fermer leurs colléges, leurs écoles et leurs hospices, n’auraient plus autre chose à faire qu’à reprendre le chemin de la France »[1]. Lorsque l’Univers écrivait cela, le royaume de Grèce existait depuis longtemps déjà, et aucune vexation n’avait été exercée contre personne[2]. Mais ce n’était pas la crainte de ces vexations qui faisait souhaiter par l’Univers la perpétuité du régime ottoman dans notre pays ; il n’obéissait point à des craintes, mais à des espérances. En effet, un grand nombre des habitants de la Syrie furent jadis entraînés dans la déception du ridicule uniatisme, par l’espoir de trouver quelque soulagement contre l’oppression musulmane qui pesait alors sur eux ; et dernièrement en Crète, peu s’en est fallu qu’une grande partie des habitants de cette île ne tombassent dans le même piége, par les promesses fallacieuses qu’on faisait luire à leurs yeux de les placer sous la protection spéciale d’une grande puissance européenne.

D’un autre côté, la politique papale, soutenue par la diplomatie européenne, agissant sur le gouvernement turc, n’a jamais cessé de s’immiscer dans les affaires des églises orientales, — et cela, depuis les temps antérieurs à Cyrille Lucaris jusqu’à nos jours. Cela m’entraînerait trop loin, on ne peut pas tout dire à la fois, et je réserve ce point pour une autre occasion. Il suffit d’indiquer ici un ou deux traits qui ont rapport à cette immixtion. Dans un ouvrage publié à Rome en 1855, sous les auspices, ou pour parler plus nettement, sous l’inspiration de Pie IX, comme cela fut avoué ensuite par l’auteur, — l’Église orientale, etc., le gouvernement du sultan est invité à soumettre l’Église orientale au pape de Rome, comme à son chef légitime. Cet ouvrage est devenu le viatique de tous les ultra-papistes qui s’occupent de l’Orient ; ils y puisent l’inspiration de tout ce qu’ils écrivent ; c’est ainsi que M. Bertaut, dans le Correspondant du 22 août 1856 (p. 86), en faisant mention de ce que le sultan avait rétabli l’inamovibilité du patriarche, s’écrie : « Pourquoi n’aller pas jusqu’au bout en demandant la sanction du pape ? »

Ainsi l’on voit bien que les fauteurs du papisme préfèrent, eux aussi, la

  1. Numéro du 24 août 1846.
  2. Si les nonnes grises, dites autrement sœurs de charité, si les frères ignorantins furent expulsés de quelque part, ce ne fut pas du royaume grec. Ils furent renvoyés du Portugal en 1858, parce que l’on redoutait leur influence délétère sur ce pays à peine en convalescence de sa longue maladie religieuse (voir les journaux du temps) ; et les écoles de ces moines furent fermées à Rome en 1857 par ordre du gouvernement papal (voir le Journal des Débats du 11 novembre 1857). Ces mêmes frères ont été éconduits poliment de Smyrne par l’évêque latin en cette ville, à l’instigation des Lazaristes, et ils n’ont trouvé de refuge que dans le royaume grec.