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nisation pour m’y créer un domaine et pour y vivre comme mon maître et avec autant d’indépendance et de liberté qu’il est possible d’acquérir sur notre planète, où les quatre cinquièmes des hommes qui l’habitent ne sont qu’esclaves ou forçats !

Ah ! l’air de la liberté… à coup sûr ce n’est pas dans les fourmilières qu’on la respire !

Placide le savait.

Au sortir du collège, notre ami, au lieu de suivre la voie de ses camarades qui, pour la plupart, choisissaient les professions libérales et le clergé, s’en alla philosophiquement chez son père. Celui-ci était un cultivateur assez à l’aise ; il eût été presque riche sans une grosse famille qu’il avait à faire vivre et à faire instruire. Il aurait désiré que son fils ainé fit un avocat ou, tout au moins, un médecin, croyant qu’il y a là non seulement fortune, mais honneurs et gloire aussi. (c’est un peu partout chez nous, le maladif caprice de nos cultivateurs.)

De ce côté le fils n’était pas précisément du même goût de son père et n’en partageait pas tout à fait les mêmes opinions : toutefois, il avait lui aussi, comme son père, le goût de « la terre ».

Sur la ferme du père il y avait assurément place pour le fils ainé ; mais sur cette ferme un frère cadet donnait déjà son aide. Le cadet devait-il disparaître pour faire place à l’ainé qui avait été absent durant neuf années consécutives ? C’était à voir. Placide (frais émoulu du collège) se jugeait un homme d’importance : il possédait l’instruction. Il croyait encore que son titre de « fils aîné », sans compter ses vingt-deux ans révolus, lui octroyait un droit indiscutable. C’est pourquoi il voulut être le premier après le père.

Oui, mais le frère cadet, âgé de dix-huit ans seulement, mais qui après l’école primaire et depuis l’âge de treize ans, avait toujours secondé son père dans les travaux de la ferme, n’entendait pas voir