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Placide Bernier avait cru entrevoir une petite fortune si la récolte venait bien, attendu qu’il y avait à semer ce printemps-là 220 acres. Oui, sans doute, si la récolte venait bien !… Seulement, M. Moore ne promettait rien de tout cela. Et même avec la meilleure des récoltes, ce n’eût pas été encore la fortune, loin de là.

Notre ami n’avait pas non plus la moindre idée des frais d’exploitation d’une ferme. Il ne songeait pas à une main-d’œuvre qu’il lui faudrait nécessairement pour les semailles et pour la moisson. Cette main-d’œuvre lui serait nécessaire pour au moins trois mois à un salaire de 40 dollars par mois plus la nourriture.

Et les imprévus ?…

Mais l’affaire était bâclée.

Trois jours après, Placide et sa jeune femme se voyaient installés sur une belle terre, légèrement onduleuse, avec un beau bosquet de trembles autour de la maison et un autre joli bois dans un coin de la terre là où se trouvait le pacage.

Le fermier était allé vivre à Tisdale en attendant qu’il fût prêt à partir pour les vieux pays.

Pour la première fois dans sa vie Placide Bernier se sentait vivre (du moins il le croyait) d’une vie forte, puissante. Il était le fermier d’une grande terre, non propriétaire, c’est vrai, mais il en était comme le maître pour la durée du bail. Même qu’il aimait à s’imaginer qu’il en était l’unique maître !

Sa femme n’était pas moins enthousiasmée que lui.

Le temps était revenu au beau. Le plus beau des soleils glissait lentement dans un immense ciel bleu. L’atmosphère était d’une tiédeur grisante, et le sol, tout à fait découvert depuis la dernière neige, exhalait ses vapeurs et ses parfums.

— On dirait que ça sent le bon pain frais disait la jeune femme en riant de bonheur.