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de ses fonds à la récolte suivante.

L’hiver, quoique rigoureux, se passa très bien. Le foyer de nos amis fut un véritable nid d’amour et d’espoir.


Ici, nous croyons utile pour certains lecteurs d’entrer dans une digression qui, néanmoins, ne s’écarte pas trop, à notre avis, du sujet et des personnages de cette histoire.

Nous savons que Placide Bernier était un homme instruit, en ce sens qu’il avait reçu la formation dite « classique ». Sa femme, de son côté, possédait l’instruction moyenne qui s’acquiert dans les couvents de la province de Québec. Depuis leur venue dans l’Ouest, cette instruction, qui exige tout comme le corps sa nourriture, avait été négligée. L’acclimatation au pays nouveau, les travaux si prenants de la ferme, les soucis, les espoirs et les découragements qui tour à tour naissaient devant des champs et une température qui ne travaillaient pas de concert et à la vue de moissons qui ne promettaient guère, tout cela avait tenu notre jeune ménage éloigné des lectures si nécessaires aux personnes qui veulent conserver l’instruction acquise.

Placide Bernier aimait les livres, il en possédait et en achetait chaque fois que sa bourse lui permettait cet agrément. Il tenait aussi à se tenir renseigné sur les événements du monde par la lecture des journaux et revues.

Durant l’été et l’automne il n’avait pu que parcourir à la hâte les colonnes de quelques journaux, et jamais il n’avait eu un instant pour feuilleter un livre. Il est vrai de dire qu’il ne se trouvait pas accommodé pour faire des lectures, là et comme il aimait à les faire, c’est-à-dire dans la solitude de la tranquillité. L’exiguïté du logis n’avait pas non plus permis de faire l’étalage des livres, et ceux-ci avaient vécu emballés et au fond d’une