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grainerie. Après le départ de l’employé, alors que les longs soirs d’automne étaient venus, la chambre de l’engagé fut convertie en une petite salle commune où les livres furent religieusement étagés. Ce fut dans ce petit sanctuaire que nos époux passèrent leurs veillées d’hiver. Quelles bonnes veillées !… C’était si bon que ni l’un ni l’autre n’étaient tentés d’aller quelquefois faire un bout de veillée chez un voisin, et pourtant les invitations ne manquaient pas. Oui, mais y a-t-il quelque chose de plus agréable dans le monde que la bonne tiédeur d’un foyer paisible ? Nos deux jeunes mariés trouvaient là leur unique bonheur.

Placide, de nature, était un solitaire, en ce sens qu’il aimait la solitude et ce goût, semble-t-il, paraît plus propre à l’homme qu’à la femme. De nos jours surtout, la femme aime à paraître et recherche le mouvement et le bruit.


Pourtant Flore, quoique femme, aimait à vivre dans ces solitudes du grand Ouest où souvent les maisons de ferme sont séparées par des milles de distances. Les agréments qu’elle trouvait dans son foyer n’avaient rien de comparable, lui semblait-il, et peut-être avait-elle raison. Ce qu’on est convenu d’appeler « les plaisirs du monde » n’avait pour elle aucune signification. Avant toute chose, elle était femme et en elle il y avait de l’épouse et de la mère.

Fille de paysans, Flore s’était retrouvée chez elle dans l’Ouest. La jeune fille, devenue épouse, s’était trouvée plus femme encore, et plus femme deviendrait-elle le jour où elle serait mère.

Placide Bernier, comme il l’avait déclaré une fois à sa chère compagne, était bien tombé. Tous deux pouvaient affronter les infortunes sans briser le lien de leur amour, de même qu’ils pouvaient boire jusqu’à l’ivresse la coupe du bonheur et