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pêcher de le déplorer à haute voix :

— Je n’aime pas monter soit en tête soit en queue d’un train, on y est plus exposé qu’au milieu !

La dessus, C… de s’esclaffer et de se payer ma tête, disant :

— Si tout le monde était comme vous alors, les dits wagons resteraient toujours vides !

— Non, répondis-je, car on les mettrait à la place de ces wagons de marchandises qui, je ne sais pourquoi, forment le milieu de notre train, tandis que ceux de voyageurs sont aux extrémités !

— Que diable voulez-vous que ça fasse ! Et il haussa les épaules en clignant des yeux aux autres.

Sitôt montés, je voulus lui démontrer l’exactitude de mon dire par l’expérience connue : alignant sur la banquette trois pièces de monnaie, serrées entre elles, et simulant notre train, je frappai la première avec une quatrième envoyée d’un coup brusque ; sous le choc, et par répercussion, la pièce de queue partit en arrière, tandis que celle du milieu ne bougeait pas d’une ligne. La démonstration, quoique fruste, était péremptoire, mais notre homme qui avait envie de s’amuser se mit à blaguer et à en rire (il est vrai qu’il ne devait plus rire de longtemps). Alors, je n’insistai pas davantage.

« Le wagon de l’Intercolonial dans lequel nous étions montés était, comme d’ailleurs tous les wagons canadiens, de type moderne, c’est-à-dire avec couloir central et plate-formes extérieures. Habitués à voyager en France enfermés dans de petits compartiments incommodes et étroits, voilà tous nos gens à déambuler d’abord dans cette maison roulante pour finalement s’installer sur la plateforme d’avant d’où l’on pouvait admirer le paysage acadien.

« Le temps était clair et doux ; nous restâmes bien deux heures à voir défiler les sites pittoresques de la Nouvelle-Écosse ; puis le vent s’étant levé et l’air rafraichi, force