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nous fut de quitter l’agréable observatoire pour réintégrer frileusement nos places assez confortables d’ailleurs.

« Il y avait environ une demi-heure que nous étions assis, ma femme et moi, nous entretenant avec délices de ce pays de Cocagne où tout semblait agréable à la vue quand, subitement, notre train alors à grande vitesse, quittant son tranquille balancement oscillatoire, se mit à donner des secousses si désordonnées accompagnées d’un tel bruit sinistre de ferraille, qu’un vent de catastrophe nous souffla aux tempes. Poussé par l’instinct de conservation, je me levai d’un bond, cherchant à fuir.

« Au même instant, un choc terrible me renversait de toute ma hauteur tandis que notre wagon était violemment jeté sur le flanc ; ses vitres sautant en éclats.

« La locomotive venait de dérailler, et tout le train se butant sur elle avait mis en pièces les deux fourgons à bagages, renversant de plus notre wagon et son voisin. Quant à la fameuse plateforme que nous venions de quitter, elle avait été aplatie du coup, comme une vieille boîte de conserves !

« Après un premier moment de stupeur, les voyageurs se mirent en devoir de se relever — quelques-uns légèrement blessés par les vitres — et de chercher une sortie par les portières, car la porte était obstruée. Alors s’entendirent des gémissements : c’était ce pauvre C… dont j’avais, sans m’en douter, défoncé l’épaule lors de ma chute : le malheureux en était verdâtre de douleur ; on finit par le transporter au dehors.

« Mais dehors il y avait deux pieds de neige, et nous piétinions sur place ne sachant où aller, car les deux wagons de passagers restés debout avaient été envahis de suite par les voyageurs de celui qui nous suivait ; cependant on finit par obtenir une place pour C…