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fût seulement au 10 mai, les arbres avaient déjà toutes leurs feuilles ; l’air était doux, les oiseaux chantaient : des bandes de canards et d’oies sauvages passaient sur nos têtes ; à l’horizon, sur un ciel mauve, la montagne indienne Mahétinas se profilait, sa teinte grisâtre contrastant avec le vert tendre de la prairie et le bleu profond des lacs.

— Est-on heureux ici, dit ma femme, on se croirait à Versailles ou à Saint-Germain, tiens, regarde ces bois !

« Et elle me montrait le coin de forêt qui occupait le Nord de ma terre.

— Si nous y allions ? proposai-je

« Et nous voilà partis à faire le « tour du propriétaire », j’avais emporté mon fusil ; notre chienne nous suivait.

« En route, nous vîmes un jeune chevreuil sur une butte, mais au lieu de chercher à le « tirer » les chasseurs préférèrent admirer le gracieux animal, lequel d’ailleurs, voyant l’ennemi, se dépêcha de décamper en quelques bonds élégants.

« Lucile le déclara très chic et dit que notre domaine ressemblait aux « tirés » de Fontainebleau.

« Quand l’imagination prend le dessus, on se trouve heureux même dans l’indigence — le contraire est également vrai. — Sur notre propriété, comme Robinson sur son île, nous prétendions trouver, avec l’agrément, tout ce qui est nécessaire à la vie : n’avions-nous pas un logement, du bois pour le chauffage, du gibier pour la nourriture, des vaches pour le lait, et de la terre pour fournir le reste ?

« Nous oublions que le bois, il fallait l’abattre, le gibier, passer du temps à le chasser, les vaches à les traire, la terre à la récolter — ce qui est plus pénible que de la semer… or elle n’était même pas « cassée »… les animaux et chevaux, à les soigner, etc… Où trouver avec cela du loisir pour se promener et prendre de l’agrément ? D’ailleurs n’est-il