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pas écrit qu’en ce monde les pauvres auront toujours bien des jours de peine pour seulement une heure de plaisir ?

« Mais, enfants d’un siècle stupide qui a rejeté la sagesse du Passé, conscient de l’austérité réelle de l’existence, pour adopter une formule de liberté bonne seulement à coller sur les murs, à côté d’une égalité et d’une fraternité tout aussi menteuses, nous ne pensâmes même pas à nous préoccuper de ces choses. Le ciel est bleu, le soleil brillant, toute la campagne chantait la joie de vivre m’invitant à faire comme elle.

« Mais j’avais vu un vol de canards se diriger vers notre marais à foin : j’y allai, et d’un seul coup j’en étendis quatre que notre Mirza rapporta successivement. Je gardai mon affût, et, quand le soir nous rentrâmes, j’avais 20 de ces volatiles sur l’épaule : sarcelles, canards colverts, pilets ou siffleurs… une charge !

« Ma compagne était enchantée. Elle me suggérait de faire le métier de chasseur et de conduire à la ville mes prises dont le revenu nous serait plus profitable que le prosaïque métier de fermier ; cela tout en plumant ses canards dont les poitrines, frites dans la poêle, furent un véritable régal avec du lait comme boisson.

« Ce début était très agréable ; aussi, les jours suivants, continuâmes-nous la même existence ; on se levait quand on voulait, je soignais les « gris » et ma femme tirait les vaches ; puis, après le premier déjeuner, nous allions voir dans l’étable qui leur servait provisoirement de logis, les 12 poules, don de Mme R… On leur donnait un peu de grain avec les débris de nos repas, on ramassait les œufs — une demi-douzaine — et l’on revenait, se croyant millionnaires.