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(car il ne fallait plus compter sur l’aide de personne, chacun maintenant dans le quartier cassant le plus qu’il pouvait par émulation). Grave sujet de méditation !

« Je ne pouvais m’en tirer que par un « bargain », mais avec qui ? et comment ?

« Une circonstance fortuite me fournit, en ce temps-là, la solution de l’énigme.

« J’ai dit que j’avais une jolie pouliche ; en effet, elle était si bien cambrée et tellement ronde de formes qu’elle attirait tous les regards. Un jour que je passais en wagon, sur la route de Domrémy, elle caracolant au côté de sa mère, un Canadien amateur de chevaux et beaucoup plus maquignon que cultivateur m’arrête et me dit, mi-plaisant, mi-sérieux.

— C’est pour trouver une occasion de la vendre, répondis-je tout à hasard.

— La vendre ? Batèche ! vous n’en tireriez pas gros d’argent à c’t’heure !

— Non, mais à six mois elle sera grande et forte, vu que sa mère est bonne laitière !…

— Ah vous la vendriez en ce temps-là !… (Et il la regardait avec complaisance).

— Dame ! si je trouvais un amateur sérieux… qui s’y connaisse !…

— Et combien m’en demanderiez-vous, si par hasard j’étais cet amateur-là ?

— À vous ? Pas un sou ; tenez je vous la donnerais pour rien !

— Voyons ! que dites-vous là ? je ne comprends pas votre plaisanterie !…

— Ce n’est pas une plaisanterie expliquai-je, c’est un bargain. Vous avez chez vous quantité de chevaux qui ne font rien, prêtez-m’en deux pendant une vingtaine de jours, histoire de casser un peu de terrain : puis, comme vous êtes bon ouvrier dans le bois, venez en personne