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III

Un ogre[1] vivait dans la montagne avec sa mère ; pour la nourrir, il allait chaque jour dans la forêt chercher du gibier. Un jour, pendant que la mère était seule à la maison, vint un bonze qui voyageait à la recherche du paradis occidental. « Mon fils est féroce, lui dit la mère, si à son retour il vous trouve ici il vous dévorera. Je vais vous cacher dans une grande marmite. »

Quand l’ogre revint, il renifla et demanda à sa mère s’il n’était venu personne. Celle-ci dit que non, mais il ne la crut pas et découvrit le bonze à qui il demanda comment il était venu jusqu’à leur demeure. Le bonze lui expliqua qu’il allait à la recherche du paradis occidental et qu’il s’était égaré en chemin. L’ogre fut touché, il ne dévora pas le bonze et lui demanda ce que le Bouddha désirait des hommes. « Leur cœur, » répondit le bonze. L’ogre, à cette réponse, s’ouvrit le corps et donna au bonze son cœur pour le porter au Bouddha.

À la suite de ce sacrifice l’ogre et sa mère devinrent des Bouddhas. Quant au bonze il porta ce cœur jusqu’au bord de la mer où il le jeta parce qu’il sentait mauvais. Arrivé au paradis occidental le Bouddha demanda au bonze s’il ne lui avait rien été confié et le renvova chercher le cœur de l’ogre.

Le bonze retourna au bord de la mer et se mit à plonger mais sans pouvoir retrouver ce cœur. Il n’osa pas revenir sans lui et l’ut changé en marsouin. C’est pourquoi le marsouin continuellement plonge et remonte à la surface.



  1. Âc lai. Âc signifie méchant, mauvais. On pourrait se demander si ce n’est pas ici une altération de yak.