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LXVIII

LE MAUVAIS FRÈRE PUNI.



I


Il y avait deux frères orphelins qui demeurèrent quelques années ensemble. Au bout de ce temps, l’aîné se maria. Cédant aux instigations de sa femme[1], il demanda le partage des biens de la maison ; il dit à son frère : « De ce qu’ont laissé nos parents, tout ce qui est femelle sera pour moi, tout ce qui est mâle sera pour toi[2]. » Ils procédèrent ensuite au partage. Le cadet, voyant que tout était femelle et qu’il n’y avait rien pour lui, ne savait que dire ; tout à coup, il courut se saisir de la hache en disant : « Ce mâle-là est pour moi », et il se sauva.

Il alla dans la forêt faire du bois qu’il échangeait pour du riz. Un jour, qu’il prenait le frais couché sur un tronc d’arbre, vint à passer une bande de singes qui, le voyant ainsi étendu, le crurent mort et résolurent de l’enterrer. L’autre les entendait mais ne disait rien et faisait le mort pour voir ce qui arriverait.

« Hà ram hà rac[3], dirent les singes, enterrons-le dans le trou de l’argent, ne l’enterrons pas dans la fosse de l’or. —

  1. Les Chinois ont pour idéal la vie en commun de la famille sous le même toit. Les fils ne peuvent procéder au partage des biens qu’après l’expiration de la période de deuil. L’empereur Khang hi, ou plutôt son commentateur, dans ses instructions à son peuple, met les frères en garde contre l’influence de leurs femmes qui tendront à susciter la jalousie entre eux et à les obliger à se séparer.
  2. Il y a ici un jeu de mots reposant sur la particule cai, appellatif commun des objets inanimés, mais qui signifie aussi femelle. Le cadet considère la hache comme mâle parce que l’on appelle duc rua une espèce de hache ; duc signifie mâle.
  3. Cette expression répond à notre exclamation : hardi !