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LXX

MADEMOISELLE UT.



Deux époux qui n’avaient pas d’enfants firent des prières au Ciel et au Bouddha pour en obtenir. La femme devint enceinte. Elle accoucha par le front d’une petite fille, toute petite, grande comme le doigt. On l’appela Nang Ût.[1].

Ses parents, voyant ce petit monstre, résolurent de l’abandonner dans la forêt. Son père l’y mena et lui dit : « Reste-là pendant que je vais couper du bois, tout à l’heure je reviendrai te prendre et je te ramènerai à la maison. » Le père partit et Ût resta couchée dans cet endroit.

Un corbeau qui avait mangé une pastèque rendit une graine à l’endroit où était couchée Ût. La graine germa et il poussa un pied de pastèques. Ût se cacha sous les feuilles et quand il y eut un fruit elle le conserva dans son sein pour le faire manger à son père qu’elle attendait toujours.

Le fils du roi était allé à la chasse, il vit cette pastèque, en mangea la chair et remit l’écorce en place[2]. Ût mangea l’écorce et devint enceinte. Elle donna le jour à un fils qu’elle coucha sur des feuilles de da. Le fils du roi, cependant, rentré dans son palais, était tourmenté du désir de revenir dans la forêt manger des pastèques.

Quand il y retourna il vit Ût qui berçait son enfant, montée sur les branches du da. Il prit la mère et l’enfant, les mit dans une pochette et les emporta. Le roi apprit par la renommée le

  1. Ût désigne le dernier né. Ngon ût est le petit doigt ; nàng ût a donc quelque chose du sens de petit poucet.
  2. Après y avoir uriné. Cette vertu fécondante de l’urine, de la salive, se retrouve dans d’autres histoires. Voir LXII.