Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LXXII

MAITRE BINH.



Autrefois vivait à Sadec un idiot nommé Binh. Il ne disait aucun mal et fréquentait les lieux où l’on faisait des fêtes funéraires ou des sacrifices, pour demander des vêtements de deuil. Quand les enfants étaient malades, dépérissaient, on s’adressait à lui, il les caressait et les enfants reprenant leurs forces revenaient à la santé.

Binh vivait depuis longtemps à Sadec, lorsqu’un homme de Mo cày, le phù Phong, fut nommé phù de Tân thanh. Sa mère l’avait suivi. Elle était d’une santé délicate, et, quelques remèdes qu’elle prît, elle ne pouvait se guérir complètement.

Un jour, sa maladie s’aggrava et elle mourut. Cependant il lui restait un peu de chaleur au creux de l’estomac, c’est pourquoi on ne l’ensevelit pas. Au bout d’une nuit, elle revint à la vie, et voici ce qu’elle raconta à son fils : « Des soldats du roi des enfers m’avaient saisie et m’emmenaient. J’étais déjà à moitié chemin, lorsque je rencontrai un jeune homme de seize à dix-sept ans, monté sur un cheval et suivi d’une nombreuse escorte. Il appela les soldats qui m’avaient saisie et leur dit : « Cette dame est la mère du phù du lieu que j’habite. Laissez-la aller, et ne la saisissez plus désormais. » Là-dessus, il leur ordonna de me ramener. Je voulais me prosterner devant lui, mais il ne me laissa pas faire et me chargea de vous dire qu’il était le fils du roi des enfers, et qu’il vivait à Sadec sous le nom de Binh. »

Le phù envoya chercher Binh, mais celui-ci continua à ne faire et ne dire que des folies ; il refusa l’argent et les vêtements