Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XCI

MAUVAIS GÉNIE.



Au village de My duong, huyèn de Nghi xuàn, province de Ha tinh, il y avait un mauvais esprit nommé le thàng Bo[1] qui avait l’habitude de venir dans ce village pour tourmenter les filles. Beaucoup devenaient folles. Un jour, des parents allèrent chercher le thây phâp pour guérir leur fille, mais une voix s’éleva de derrière la maison, qui disait : « Plie bagage et va-t-en bien vite ; si tu demeures là, je te casse ton tambour et ta cymbale. » Comme le sorcier, embarrassé dans ses préparatifs magiques, ne se sauvait pas assez vite, il vit voler en éclats son tambour et sa cymbale ; aussi aucun d’eux n’osait-il plus affronter Bo.

Un notable du village avait une fille. Une nuit, il entendit Bo dire : « Donnez-moi votre fille en mariage, je consens à payer autant qu’il faudra ; mais si vous la mariez à un autre, cela n’ira pas. De jour en jour cette fille dépérissait et devenait plus pâle ; on la refusait à tous ceux qui venaient la demander en mariage. Chaque mois Bo apportait à sa femme une trentaine de ligatures, et quiconque faisait un sacrifice dans le village devait lui envoyer un bon morceau. S’il négligeait de le faire, Bo mettait des ordures dans les plats, de sorte que personne ne pouvait y toucher.

  1. Il a déjà été question de ce Bo (voir ci-dessus n° III). Le narrateur l’appelle ici du terme méprisant de thang. Les mauvais esprits, en effet, peuvent être redoutés par leurs victimes mais ne sont pas honorés. Il est cependant probable qu’un indigène de Curong giân ou de My duong ne se risquerait pas à le désigner par cet appellatif, crainte de représailles.