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une bosse à sa tête rase. Plusieurs autres tentatives échouèrent également ; le maître continuait à s’appauvrir et ne savait à qui se vouer.

Heureusement il vint à passer un étudiant qui cherchait des ressources pour pouvoir faire ses études. Il entra dans cette maison pour demander à manger et fut tout étonné de la voir abandonnée et le maître assis les genoux entre les mains. L’étudiant lui demanda comment il se faisait qu’il fût seul dans une maison où l’on avait l’air d’être à l’aise ? Le maître répondit en gémissant : « Hélas ! Toutes mes affaires sont à vau-l’eau ; je n’en finirais pas de vous les conter. » L’étudiant lui dit : « Racontez-moi ce qui vous tourmente, si je puis vous aider je le ferai de toutes mes forces. »

Le propriétaire lui conta alors comment il avait appelé d’habiles thây phâp, de savants bonzes qui avaient tous été chassés par le mauvais esprit. À quoi bon le risquer encore, lui, frêle étudiant[1] ? Il craindrait que l’esprit n’ajoutât à ses embarras en faisant du mal à ce nouvel adversaire.

L’étudiant répondit : « Laissez-moi le mater à ma guise. Emportez de la maison tout ce qu’il y a d’argent et de meubles et allez-vous-en aussi. Seulement faites-moi porter chaque jour quelques bouchées de riz, à peine une pleine soucoupe[2] ; dans cinq jours je saurai ce que c’est que ce revenant et nous pourrons prendre les mesures nécessaires pour nous débarrasser de lui. »

L’étudiant s’assit donc au milieu de la maison, occupé nuit et jour à lire le livre des transformations[3] et à en réciter les

  1. Les étudiants sont censés amaigris et affaiblis par leurs veilles.
  2. Il s’agit ici de ces petits récipients dans lesquels les pauvres mettent un peu d’huile et une mèche et constituent ainsi une lampe analogue à l’antique calél.
  3. Le Diêc kinh, édité et commenté par Confucius. Notre récit vient évidemment de lettrés qui, tout en partageant la croyance de leurs compatriotes