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à la vue de l’éléphant, furent saisis d’effroi ; Mâu leur dit : « Le Seigneur[1] était autrefois de la suite de l’Empereur et je lui donnais mes soins. Il m’a rencontré dans la forêt et m’a ramené ici, n’ayez aucune crainte. » Ils prirent alors un porc qu’ils nourrissaient, en firent manger la chair à l’éléphant, et lui firent boire pour trois ligatures de vin. Le jour commençant à paraître, l’éléphant ne voulut pas demeurer davantage, il fit monter sur son dos le dôi Mâu et son fils et les ramena dans la forêt. Là il leur prenait toujours les mains et les portait sur ses colliers. Màu dit à son fils : le Seigneur me les donne, il me faut donc les prendre ; et, introduisant son couteau entre le collier et la peau de l’animal il en fit sauter deux. Le sang de l’éléphant coula en abondance et Màu ne voulut pas prendre le troisième collier. Il prit des plantes médicinales[2] pour en frotter l’éléphant, ensuite le père et le fils lui firent leurs adieux et s’en retournèrent chargés d’une fortune.

En ce temps-là régnaient les Tày son. Le roi Quang Trung apprit qu’un éléphant des Lè vivait encore dans la montagne ; il envoya des troupes à sa recherche, mais il avait disparu et l’on ne put s’emparer de lui.



  1. Ong quân. Quân est le nom d’une division territoriale d’où le titre de Quân công, duc d’un quân, etc. On donne des titres aux éléphants de l’empereur, de même qu’aux canons. Ces titres ont de l’analogie avec les noms que nous donnons aux navires.
  2. Thuôc nam, remèdes du midi, c’est-à-dire indigènes, simples, par opposition à Thuôc bâc, remèdes du nord ; cette dernière expression désigne les drogues de la médecine chinoise, décrites dans les livres, tandis que la connaissance des simples est transmise par la tradition orale.