Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/255

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duit sera disponible ? L’individu qui plante un arbre devrait, dans ces conditions, recevoir pour ce travail — un travail d’un jour — 1.000 francs, cependant que tel autre individu, un boulanger pur exemple, recevrait seulement 2 francs. Contre une telle inégalité de traitement, il n’est pas un socialiste qui ne protesterait : il sera nécessaire de faire subir une réduction, et une réduction très importante, à la rémunération du premier individu. Mais alors les socialistes ne devront-ils pas dire, pour être conséquents, que celui-ci est exploité ?

Cet argument de Böhm-Bawerk n’est guère concluant. Il n’aurait guère de force que contre un socialisme mal compris. Si, voulant que Chacun ait le produit intégral de son travail, on regardait comme le produit du travail d’un individu tout ce qui sort de ses mains, sans se préoccuper de savoir quels moyens de production ont été mis à la disposition de notre individu qu’il n’a pas créés lui-même, et sans tenir compte non plus des conditions sociales où ce produit a été créé et qui en déterminent la valeur, bref si on entend la formule du droit au produit intégral du travail dans un sens tout grossier, contraire à la vérité des faits, alors, et alors seulement, les conséquences indiquées par Böhm-Bawerk se montreront. Mais on peut entendre autrement cette formule, et on peut aussi — on doit, j’oserai dire —, lorsqu’on est socialiste, la rejeter[1]. L’État socialiste donnera donc à tous les travailleurs une rémunération que je suppose, avec Böhm-Bawerk, égale ; il percevra des « intérêts » qu’il répartira entre les travailleurs, qu’il emploiera au mieux de l’utilité générale : car l’État

  1. Voir mon livre L’utilité sociale de la propriété individuelle, pp. 326-329.