Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/122

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tera sur un numéro pair ou sur un numéro impair, le nombre des numéros pairs étant égal à celui de» numéros impairs. Dans un tel cas, il est mathématiquement indifférent de jouer ou de ne pas jouer. Mais économiquement il ne nous est pas avantageux de jouer : car l’utilité que nous nous procurerions en gagnant n’est pas égale à celle dont nous serions privés si nous perdions[1]. Et deux choses feront la partie plus ou moins désavantageuse. C’est d’une part le rapport de la mise à l’enjeu : il vaut mieux risquer 1 pour gagner 2 à chances égales que risquer 2 pour gagner 4 ; il vaut mieux risquer 1 pour gagner 2 à chances égales que risquer 1 pour gagner 100 avec une chance de gain contre 99 chances de pertes[2]. Et c’est, d’autre part, la fortune plus ou moins élevée du joueur : la partie est plus désavantageuse pour celui qui possède moins.

Dans l’hypothèse que nous venons de faire, le risque consistait dans la possibilité simultanée d’un gain et d’une perte. D’autres fois, il s’agira ou de ne pas avoir de gain, ou d’avoir un gain. D’autres fois, encore, il s’agira d’une perte à ne pas subir ou à subir. Mais toujours, pour apprécier le ris que, il faudra se rappeler que le rapport économique de deux quantités d’argent — nous voulons dire leur rapport au point de vue de l’utilité — n’est point pareil au rapport mathématique, que l’utilité d’une somme d’argent est d’autant plus faible que cette somme s’ajoute à une somme plus grande. De ce qui précède, il résulte qu’on a avantage, quand on peut le faire dans certaines conditions, à éliminer le risque. Il ne nous convient pas de risquer 1.000 francs pour gagner 2.000 francs à chances égales. Si nous sommes engagés dans une partie pareille, nous aurons intérêt, pour nous en dégager, à consentir un certain sacrifice. Supposons que les 1.000 francs de la mise, si nous les perdons, représentent une utilité de 120, et que les 1.000 francs à gagner — car le gain réel ne sera que de 1.000 francs — représentent une utilité de 100 : nous aurons intérêt, dans ces conditions, à reprendre notre mise en abandonnant une petite somme, dont l’utilité soit inférieure à (120 — 100) : 2, c’est-à-dire à 10.

On aperçoit sans doute le rapport de ces remarques à celles qui ont été présentées dans l’article précédent. Là nous examinions le cas du joueur qui, jouant une série de parties, réalisait des gains exactement égaux à ses pertes. Ici nous examinons le cas du joueur qui doit jouer une

  1. Nous négligerons, dans ce paragraphe, le plaisir spécial qu’on peut éprouver à courir des risques.
  2. Vaut-il mieux risquer 1 pour gagner 100 avec 1 chance de gain contre 99 chances de pertes, ou risquer 50 pour gagner 100 à chances égales ? Cela dépendra de la forme qu’affecte la courbe descendante de l’utilité. De tels problèmes, au reste, demandent à être traités mathématiquement ; et nous voulons recourir aux mathématiques le moins possible.