Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/128

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L’attachement des économistes classiques à l’hypothèse de l’homo oeconomicus s’explique par la simplicité de cette hypothèse et par la rigueur qu’elle permet, lorsqu’on s’y tient, de donner à la science économique : avec cette hypothèse, en effet, l’économique se trouve suspendue tout entière à un principe psychologique unique. Toutefois, ce n’est pas toujours de la même manière que les économistes classiques ont été déterminés à laisser dans l’ombre ce qui contredit l’hypothèse de l’homo oeconomicus, ou à en diminuer l’importance. Certains parmi eux n’ont pas vu toutes les complications psychologiques de l’homme réel, ou ne les ont pas vues aussi notables qu’elles sont. D’autres ont écarté ces complications, ou en ont réduit l’importance intentionnellement ; il leur a paru qu’il était nécessaire de procéder ainsi pour constituer, comme ils ont dit quelquefois, une économique « rationnelle », plus abstraite sans doute, mais plus générale en même temps que l’économique « expérimentale » ou « appliquée », et sans laquelle, d’après eux, rien ne peut être compris aux phénomènes dont cette dernière doit s’occuper.

Cependant, contre l’hypothèse de l’homo oeconomicus mise à la base de l’économique, des objections très vives ont été formulées. Il nous faut examiner ces objections, pour voir au juste jusqu’à quel point l’homme réel, dans sa vie économique, s’éloigne du type idéal construit par les classiques. Nous écarterons toutefois, parmi les critiques adressées aux classiques, certaines critiques qui visent une conception particulière de l’homo oeconomicus que l’on rencontre parfois sans doute, mais qui manifestement est par trop étroite. Il s’est trouvé des auteurs, en effet, pour réduire toute la psychologie économique de l’homme à l’« instinct » d’acquisition, pour représenter l’homme comme cherchant exclusivement à s’enrichir. Comme si l’homme, passé de certaines limites, n’était pas contraint de préférer le repos au travail lucratif ! comme s’il n’était pas obligé de dépenser à chaque instant une partie tout au moins de ses gains ! Pour nous, on l’a vu, l’homo oeconomicus est cet homme qui connaît son intérêt — pour autant que son savoir lui permet de le déterminer — et qui le poursuit : et notre intérêt économique n’est pas uniquement d’accumuler des richesses.

Qu’est-ce donc qui empêche l’homme réel d’agir comme ferait l’homo oeconomicus — tel que nous l’avons défini — ? Il y a ici des causes multiples. On les trouve rangées, communément, sous de certaines rubriques, dont voici l’énumération.

1o L’homo oeconomicus est un égoïste ; il n’est préoccupé que de son intérêt propre ; mais l’homme réel poursuit aussi des fins altruistes.

2o Parmi les fins égoïstes de l’homme, il en est d’autres que celles que poursuit l’homo oeconomicus.

3o Quand il recherche ces fins égoïstes qui servent à définir l’homo oeco-