Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/142

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laisse vivre, comme on dit ; et dans la mesure où il ne le fait pas, il résout les problèmes qui se présentent à l’aide de règles générales qu’il s’est tracées ou qu’on lui a enseignées ; ce n’est que dans les affaires tout à fait importantes qu’il se décide sur un examen des circonstances particulières à ces affaires. Prenons par exemple la façon dont les individus établissent leur budget de dépenses, ou pour mieux parler — car la plupart n’établissent pas à l’avance un budget de dépenses — la façon dont ils emploient les sommes qu’ils ont à dépenser. On les voit sa procurer d’abord les biens indispensables, ou plutôt se procurer, pour satisfaire les besoins primordiaux, ces biens que la coutume, dans la société à laquelle ils appartiennent, fait regarder comme tels. Et c’est la coutume encore, ou l’habitude, qui dirigera nos autres dépenses.

Cette manière de présenter les choses, toutefois, contient beaucoup d’exagération. Les hommes sans doute ne partent pas, quand il s’agit d’employer leur argent, de la considération du principe de l’égalité des utilités-limites. Mais ce principe n’en est pas moins la règle qui dirige leurs achats. S’ils ne l’appliquent pas systématiquement, ils cherchent du moins à se rapprocher toujours davantage, par des corrections successives de leur pratique, de ce qu’il prescrit. Quand une occasion s’offre de remplacer une dépense par une dépense égale qui nous donnera plus d’utilité, nous la saisissons. Et quand nous apercevons la nécessité de réduire nos dépenses, celles que nous nous décidons à comprimer, ou à supprimer, sont bien toujours les dépenses les moins utiles[1].

65. Conclusion sur I’ « homo oeconomicus ». — Pour conclure sur la question des rapports de l’homo oeconomicus et de l’homme réel, nous dirons qu’il n’y a guère que quatre points sur lesquels ce dernier se différencie notablement du premier. Ces quatre points sont les suivants.

1° L’homme réel vit pour sa famille, ordinairement, et non point exclusivement pour lui-même.

2° II n’accorde pas assez d’attention aux conséquences de ses actions.

3° Il estime les utilités futures moins haut qu’il ne devrait faire.

4° Il accepte les risques trop facilement, ou les fuit trop.

Pour construire certaines théories, pour expliquer certains phénomènes généraux, on sera obligé de prendre en considération telle ou telle des propositions ci-dessus. Ainsi la dépréciation des utilités futures, comme il a été dit, est un des faits auxquels il faut recourir quand on veut comprendre le phénomène économique de l’intérêt. Mais il est d’autres théories, comme celle des prix, qu’il convient d’établir en parlant de l’hypothèse que les

  1. Cf. Marshall, Principles, liv. III, chap. 5, § 2 (trad. fr., t. I), Cunynghame Geometrical political economy, chap. 4.