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c’est de l’homme qu’il faut partir toujours dans l’économique, comme il faut aussi toujours y revenir.

69. Classification des travaux. — Les travaux peuvent être classés en mille manières. Il ne saurait être question de les indiquer toutes ici. Certaines d’entre elles, d’ailleurs, nous obligeraient à revenir sur des choses déjà vues : ainsi l’on peut distinguer des travaux qui produisent des biens directs et d’autres qui produisent des biens indirects, etc.

Une distinction importante est celle du travail qualifié et du travail non qualifié[1]. Comme la plupart des distinctions que l’on peut établir dans l’économique, elle ne correspond pas à une démarcation nettement tranchée. Le travail qualifié est celui qui exige, de la part de l’individu qui doit l’exécuter, des connaissances spéciales, une habileté particulière. Mais tous les travaux, comme nous le montrerons bientôt, exigent des connaissances et de l’habileté. Il s’ensuit qu’un travail qui dans un pays donné sera regardé comme un travail qualifié sera regardé comme un travail non qualifié dans un autre pays, où il y aura chez les travailleurs, d’une façon générale, plus d’instruction, plus d’intelligence et plus d’adresse.

Toutefois, même réduite à cette valeur relative, la considération de la qualification ou de la non-qualification du travail jouera un assez grand rôle dans la théorie des salaires, quand il s’agira d’expliquer les inégales rémunérations qu’obtiennent les différents travaux.

On parle, maintenant, de travaux matériels et de travaux immatériels, de travaux manuels — ou mieux corporels — et de travaux intellectuels. Ces deux distinctions, on le remarquera, ne coïncident pas[2]. Pour établir la première, on se fonde sur la considération du résultat du travail, lequel sera soit un bien matériel, soit un bien immatériel. Ainsi on appellera matériel le travail du peintre qui fait un tableau, immatériel celui du musicien qui joue un air, et sans doute aussi celui de l’écrivain qui compose un ouvrage, puisque ce qui constitue l’ouvrage, ce sont essentiellement les pensées et les mots, et point les livres où ces mots sont imprimés. Pour établir la deuxième distinction, au contraire, ce sont les facultés mises en œuvre par le travailleur auxquelles on s’attache. Et sans doute tous les travaux, à la rigueur, sont à la fois corporels et intellectuels : les méditations du philosophe exigent une dépense d’énergie cérébrale, comme la besogne du terrassier requiert une certaine attention, une adaptation intelligente des mouvements à une fin donnée. Mais l’importance relative îles diverses facultés qu’il nous faut mettre en jeu varie beaucoup d’un travail à un autre, et justifie les appellations courantes. Et alors on pourra

  1. Cf. Marshall, Principles, liv. IV, chap. 6, §§ 1-2 (trad. fr., t. I).
  2. Cf. Kleinwächter. Die volkswirtschaftliche Produktion im Allgemeinen, § 6 (Handbuch de Schönberg, premier vol.).