Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/165

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également simples. Ainsi avec la division du travail on pourra trouver de l’occupation pour tout le monde, pour les femmes, les enfants, les gens atteints de certaines infirmités ; et l’on utilisera mieux les aptitudes particulières de certains travailleurs qui eussent trouvé à s’employer même sans cette division du travail. Par là encore l’entrepreneur sera mis à même de réduire ses dépenses en salaires.

On a indiqué encore une conséquence indirecte de la division du travail. La simplicité des besognes dont les travailleurs se trouvent être chargés quand la division du travail est poussée très loin, cette simplicité suggère souvent l’idée de machines qui exécutent ces besognes à moins de frais, avec plus de rapidité et de précision.

La division du travail, en somme, n’a que des effets heureux si l’on se préoccupe de l’abaissement du coût de la production, du bon marché des produits. Mais comment affecte-t-elle les intérêts de l’ouvrier ?

À ce point de vue, la division du travail a été l’objet de critiques très vives. Parmi ces critiques, toutefois, il en est qui sont exagérées, qui impliquent des généralisations non fondées.

On a dit, par exemple, que la division excessive du travail rend le gain de l’ouvrier précaire : l’ouvrier gagne son pain à exécuter toujours une même besogne très spéciale ? qu’un changement de la technique productive vienne à faire disparaître cette besogne, comme il arrive si souvent, et notre ouvrier se trouvera sans ouvrage. Dans cette observation, il y a du vrai sans doute. Mais on a vu que ces besognes spéciales auxquelles la division du travail attache les ouvriers sont à l’ordinaire des besognes simples, faciles à apprendre. Si l’une d’elles vient à disparaître, l’ouvrier qui l’exécutait deviendra très vite apte à en exécuter quelque autre, dans la même industrie, ou au besoin dans une industrie différente.

On a parlé aussi de la monotonie de ces besognes que les ouvriers ont à accomplir, quand le travail est très divisé, et des inconvénients multiples qui en résultent. Il peut à coup sûr y avoir des besognes spéciales qui, exécutées d’une manière continue, entraînent des déformations physiques ou des troubles de l’organisme. Mais il n’en est sans doute pas beaucoup. Et pour ce qui est de cet affaiblissement intellectuel et moral, de cet abrutissement que causerait à la longue l’accomplissement perpétuel d’une même besogne, il n’est à craindre que si la besogne est par trop machinale ; et même alors, on ne devra pas s’en préoccuper beaucoup si la journée de travail n’est pas trop longue, et si la vie de l’ouvrier, en dehors de l’atelier, est suffisamment riche et variée. Comme il a été observé, c’est la monotonie de la vie, plus que la monotonie du travail, qui est pesante à l’ouvrier et qui peut lui être funeste[1].

C’est surtout d’une manière indirecte que la division du travail paraît

  1. Cf. Marshall, Principles, liv. IV, chap. 9, § 6 (trad. fr., t. I).