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, mettre en réserve ce superflu et l’accumuler. Ces valeurs accumulées sont ce qu’on appelle un capital »[1].

3° Une troisième conception du capital se trouve chez Walras. Celui-ci nomme « capital en général tout bien durable » — on notera que cette expression est impropre — « toute espèce de la richesse sociale qui ne se consomme pas ou qui ne se consomme qu’à la longue, toute utilité limitée en quantité qui survit au premier usage qu’on en fait, en un mot, qui sert plus d’une fois »[2] : les terres, ainsi, seraient des capitaux, et les personnes[3].

Bien entendu, quand on s’attache à l’un ou à l’autre des deux caractères qui viennent d’être dits, on peut ajouter à ces caractères, pour former la définition du capital, telle ou telle détermination secondaire du genre de celles dont on a vu tantôt toute une série.

4° Il reste une dernière définition du capital, la plus vaste de toutes : celle qui identifie le capital avec le patrimoine, « On entend par capital, dit Du Cange dans son Glossaire, tous les biens qu’on peut posséder ». Cette définition a été reprise de nos jours par Fisher. Pour celui-ci, le capital d’un particulier, par exemple, c’est l’ensemble des biens que ce particulier possède dans un moment donné. Et si le revenu s’oppose au capital, c’est en ceci que le revenu est l’ensemble des « services » — entendons des va leurs d’usage — que l’on tire de son « capital » dans une période donnée. Le capital serait un « stock », ou un « fonds » de richesse, et le revenu un « flux ».

86. Comment il convient de le définir. — On n’attend pas, sans doute, que nous discutions la valeur de toutes ces conceptions du capital que nous venons d’indiquer. Nous nous bornerons à dire comment il nous semble qu’il convient de définir le capital.

Tout d’abord, notons que la notion du capital, dans l’usage de la langue, implique toujours une notion corrélative. Étymologiquement, le capital, c’est cette partie de la dette de l’emprunteur qui représente la somme qu’on lui a prêtée, c’est, comme on disait jadis, le principal de la dette, auquel les intérêts viennent s’ajouter comme un complément nécessaire. Le capital, par conséquent, ne saurait être défini en lui-même ; on ne peut le dé finir qu’en considérant une certaine opération dans laquelle il joue un rôle. Cette opération, c’est un prêt, c’est un placement quelconque ; on

  1. Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, § 59.
  2. Éléments d’économie politique pure, § 167. À côté du capital « en général », Walras met le capital « proprement dit », qui est un concept plus restreint.
  3. Rappelons ici que les personnes, dans les sociétés non esclavagistes, ne sont pas des biens économiques. Elles ne peuvent donc pas être des capitaux. Et il en est de même pour ces inventions, ces connaissances générales dont Tarde, comme nom l’avons vu, fait un capital ; cela du moins quand elles ne sont pas susceptibles d’être appropriées, ou quand elles sont tombées dans le domaine public.