Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/173

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peut parler ici d’opération capitalistique ; on peul parler, encore, de capitalisation.

Quelle est donc l’essence de la capitalisation ? Elle consiste en ceci, essentiellement, que l’on renonce à percevoir tout de suite des valeurs d’usage, ou que l’on en retarde la perception, pour percevoir plus tard une somme de valeurs d’usage plus grande. C’est ainsi que le prêteur qui prête 1.000 francs pour un an renonce à disposer de ces 1.000 francs pour la satisfaction de ses besoins présents, ou pour la satisfaction des besoins qu’il sentira dans le cours de l’année : et il le fait à l’ordinaire — ce n’est d’ailleurs qu’à cette condition que son prêt sera une capitalisation — parce que l’emprunteur s’engage à lui rembourser à l’échéance 1.040 francs ou 1.050 francs, soit une somme qui lui sera plus utile à ce moment que les 1.000 francs avancés ne lui seraient utiles d’ici là.

La capitalisation étant cela, on aperçoit ce que sera le capital. Le capital, ce sont ces biens dont on pourrait faire sur l’heure une consommation destructive et que l’on ne consomme pas ainsi, que l’on pourrait consacrer exclusivement à la satisfaction de besoins immédiats et que l’on renonce à employer de cette manière, parce qu’on compte par là se procurer par la suite une somme de valeurs d’usage plus grande.

Cette définition du capital, dans l’application, coïncidera avec celle de Fisher par rapport aux individus. Comme il a été vu en effet, tous les biens qu’un individu possède peuvent être, d’une certaine façon, « consommés » immédiatement. Celui qui a une terre peut la vendre : la vendant, il se procurera tout de suite une somme qu’il pourra dépenser sur l’heure, et avec laquelle il obtiendra, dans le présent, plus de valeur d’usage que la possession de la terre ne saurait lui en fournir. Toutefois, la coïncidence des deux définitions n’existera que par rapport aux individus. Et même par rapport à eux, les deux définitions correspondront à deux concepts distincts, puisque la nôtre envisage les biens à un point de vue spécial. Cela étant, il conviendra de réserver pour le concept que nous avons indiqué le nom de capital, l’autre étant plus correctement désigné par les mots « patrimoine », « fortune » ou « avoir ».

2. Capitaux sociaux et capitaux individuels.

87. Comment on les a distingués. — On distingue fréquemment, dans la littérature économique, les capitaux qui ne sont tels que par rapport aux personnes qui les possèdent, ou, comme l’on dit, les capitaux purement individuels ou prives, et les capitaux sociaux[1] — il faut re-

  1. Voir Böhm-Bawerk, Positive Théorie des Capitales, liv. I, iv, Wagner, Grundlegung, § 129 (trad. fr., t. 1).