Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/179

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Nous savons comment on doit estimer la durée de l’attente capitalistique. Pour Böhm-Bawerk donc, employer plus de capital dans une production, c’est allonger cette attente, c’est allonger le processus productif. Bien entendu, il faut concevoir ici que le surplus du capital ne sert pas simplement à donner une extension plus grande à la production, mais qu’on adopte une méthode productive nouvelle. C’est comprise dans ce deuxième sens que la proposition de tantôt se présente à Böhm-Bawerk comme évidente. Tous les détours de production n’allongent pas la durée de la production : pour avoir un fruit qui pend à un arbre, il est plus expéditif souvent de se faire une gaule que de grimper à l’arbre. Mais qui dit production plus capitalistique, degré capitalistique supérieur de la production, dit par cela même, d’après Böhm-Bawerk, attente plus longue du produit.

Plus de capital, c’est une attente plus longue. Mais en même temps, employer plus de capital, c’est, en règle générale, se donner la possibilité d’obtenir pour chaque unité de dépense plus de produit. Tout d’abord, le produit augmentera plus vite que la durée de l’attente. Puis un moment viendra — plus ou moins tôt selon les productions, très tôt en général — où il commencera à croître moins vite que l’attente capitalistique. Et il croîtra ensuite de moins en moins vite ; mais il croîtra cependant indéfiniment : quelque mode que l’on adopte pour une production déterminée, toujours on aura la possibilité, en allongeant la durée de la production, d’accroître le produit. Une unité de travail dépensée dans une certaine année pourra donner par exemple, selon qu’on en percevra le fruit immédiatement, ou qu’on devra attendre un an, 2 ans, 3 ans, 4 ans, 5 ans, 6 ans, etc., un produit égal à 80, à 200, à 280, à 350, à 400, à 440, à 470, etc.

92. Critique. — Tel est le schème — très simple comme on peut voir — que Böhm-Bawerk adopte pour la « productivité » du capital. Il ne nous parait pas possible de l’accepter ; et voici pourquoi :

1° Les deux concepts de la quantité du capital et de la durée du processus productif ne coïncident pas nécessairement. Imaginons une culture qui comporte, dans les habitudes des agriculteurs, une préparation préalable de la terre, des semailles, puis toute une série d’opérations diverses, enfin la récolte. L’agriculteur qui s’aviserait de supprimer quelqu’une des

    trad. fr., Paris, Giard et Briére, 1900). Dans l’exemple donné ci-dessus, Marx déterminerait la rotation du capital de la manière suivante. Chaque année le capitaliste retrouve dans le produit obtenu l/20 de sa machine, plus tout le travail du deuxième stade, en tout 105 années de travail. Si dans un an il retrouve la valeur de 105 années de travail, il trouvera la valeur des 200 années de travail qu’il a avancées en 200/105 années : c’est à peu près le double de l’attente capitalistique de Böhm-Bawerk. Au reste, il ne semble pas qu’il soit aucunement utile d’étudier davantage la notion marxiste.