Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/212

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les plus communes, une alimentation prodigieusement économique, et rendra ainsi inutile la culture de la terre.

L’humanité pourra donc pourvoir à sa subsistance, même si elle s’accroît dans de grandes proportions. Le taux actuel d’accroissement de la population se maintenant — on l’estime, pour toute l’espèce humaine, à 8 pour 1.000 par an —, on n’arriverait à la surpopulation que dans un certain temps, ou même que très tard : cela dépendrait de l’adoption qu’on ferait de telle ou telle des hypothèses indiquées ci-dessus[1]. Et c’est une question de savoir si le taux actuel de l’augmentation se maintiendra : dans les nations dites civilisées, on le voit aujourd’hui qui s’abaisse d’une manière notable, ou du moins l’on peut conjecturer avec une grande probabilité, sur de certains indices, qu’il ne tardera pas à s’abaisser[2].

Ce n’est guère, en somme, que dans certains pays que l’on pourrait considérer le danger de la surpopulation comme un danger réel, et relativement proche : nous voulons parler notamment de ces pays de population dense qui ne produisent pas la subsistance qui leur est nécessaire, mais qui reçoivent une partie de cette subsistance de l’étranger, en échange de produits manufacturés qu’ils exportent. L’Angleterre, par exemple, avait en 1897, pour les grains et farines, un excédent d’importation de 1.350 millions environ[3]. Et sans doute à l’heure présente les exportations anglaises se développent. Mais pourra-t-il en être ainsi longtemps ? Quantité de pays suivent une politique commerciale protectionniste, et qui d’année en année le devient davantage : ce sont des marchés qui de plus en plus se ferment aux exportations anglaises. Quant à ces pays jeunes qui fournissent à l’Angleterre des subsistances et qui, en même temps, sont pour elle d’excellent acheteurs, demeureront-ils longtemps ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire des pays à production presque exclusivement agricole ? le moment ne viendra-t-il pas bientôt où un certain équilibre s’établissant chez eux entre l’agriculture et l’industrie manufacturière, ils vendront moins de produits alimentaires, et achèteront moins de produits manufacturés ? La population anglaise, ce jour-là, se trouverait trop nombreuse, en sorte qu’une partie serait réduite à émigrer[4].

  1. Le chiffre de 6 milliards d’hommes serait atteint dans 200 ans. Cf. Marshall, Principles, liv. IV, chap. 4, § 3 (trad. fr., t. I).
  2. Nous aurons à revenir sur le mouvement de la population : voir le liv. IV, section VIII.
  3. D’après le Handwörterbuch der Staatswissenschaften, art. Getreidehandel, Statistik, par Juraschek (t. IV). Voir encore Philippovich, Grundriss, 1er vol., § 25, 2.
  4. Oppenheimer (ouv. cité, chap. 4, A, pp. 110-112) calcule que la production agricole actuelle du Royaume-Uni fournit à celui-ci, relativement au nombre des habitants, une quantité d’aliments supérieure à ce que la population italienne consomme. Mais il faut tenir compte de ce fait qu’une population ne renonce pas facilement, surtout en de pareilles matières, aux habitudes qu’elle a contractées.