Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/271

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posées plus haut, les avantages de la grande exploitation sont contrebalancés, à partir d’un certain point, par des inconvénients.

1° Tout d’abord, quand l’exploitation est plus grande, le transport des engrais, des récoltes des bâtiments de l’exploitation aux divers points de celle-ci et inversement, les déplacements auxquels les ouvriers sont obligés deviennent plus longs. Il est vrai que pour ce qui est des transports, on peut souvent compenser le désavantage de la distance plus grande par l’adoption de tel moyen de transport plus économique.

2° L’inconvénient le plus grave est celui qui résulte de la complexité du travail et de la difficulté de la surveillance. Dans une manufacture, pour prendre cet exemple, on n’a souvent qu’un très petit nombre d’opérations qui s’accomplissent sur une échelle plus ou moins grande, et d’une manière continue pendant toute l’année. Ainsi la direction, au point de vue technique, se réduit à peu près à rien : une fois montée et organisée, la manu facture peut en quelque sorte marcher toute seule. La partie commerciale de la direction, d’autre part, pourra se réduire à quelques achats et à quelques ventes ; si même l’on vend à beaucoup de clients, par petites quantités, les conditions auxquelles on vendra demeureront sensiblement constantes pendant des périodes assez, longues. Enfin la surveillance d’une manufacture, en raison du peu de superficie qu’elle occupe et de l’uniformité des travaux qui s’y exécutent, est relativement très aisée. Dans une exploitation agricole, au contraire, les conditions des travaux à exécuter varient avec la disposition des lieux, la nature des terrains, etc. ; les travaux les plus divers se succèdent dans le cycle de l’année ; la comptabilité est extrêmement compliquée ; les prix des denrées sont sujets à des fluctuations importantes et rapides ; l’étendue de l’exploitation rend la surveillance des travailleurs très malaisée.

3° Mentionnons encore que lorsque, dans une région, la grande exploitation domine, on peut avoir beaucoup de peine à se procurer la main-d’œuvre nécessaire. Quand la grande propriété et la petite voisinent, celle-là peut compter, en cas de besoin, sur la main-d’œuvre de ces petits propriétaires que la culture de leur champ ne fait pas vivre. Mais quand il n’y a que de grands domaines, il peut se faire qu’on ne trouve pas assez de travailleurs. C’est qu’en effet dans l’agriculture l’emploiement est irrégulier ; et depuis que certaines machines, comme les batteuses, ont enlevé aux journaliers agricoles les travaux auxquels ils pouvaient s’occuper dans les moments où il n’y avait rien à faire aux champs, le nombre de ces journaliers a diminué dans une grande proportion[1].

143. Un obstacle à la concentration agricole. — Nous venons de

  1. Sur ce point, et sur les méthodes auxquelles les grands propriétaires, dans certaines régions, ont eu recours pour empêcher l’émigration des journaliers agricoles vers les villes, voir Kautsky, La question agraire, chap. 7, f. et chap. 9, e.