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biscuits aura un monopole — un monopole régional — si dans une région donnée on ne mange que ses biscuits ; mais on ne dirait pas de ci ; fabricant qu’il a un monopole si l’on pouvait établir — comme il serait d’ailleurs très difficile de faire — que de certaines personnes, habitant les unes ici et les autres là, et groupées seulement par cette particularité, consomment uniquement ses produits.

2° Une extension bien moins admissible que la précédente du sens du mot monopole est celle qui consiste à parler de monopole à plusieurs. On dit par exemple des propriétaires fonciers qu’ils ont un monopole ; et l’on commente cette expression, à l’ordinaire, en remarquant que la terre est limitée. Mais tous les biens sont limités : dans un moment donné, l’humanité ne dispose que d’une certaine quantité de main-d’œuvre, tout de même qu’elle ne dispose que d’une certaine quantité de terre. La différence qui sépare, ici, la terre de certains autres biens, c’est que la terre, d’un moment à l’autre du temps, varie moins en quantité que ces autres biens, et que la volonté de l’homme, en particulier, ne peut pas grand’chose pour augmenter notre richesse en terre. Au reste, ce qu’il faut dire surtout, c’est que l’expression « monopole à plusieurs » est condamnée comme contradictoire par l’étymologie.

3° On a parlé parfois de monopoles d’achat. Cette dernière expression correspond à une réalité, et à une réalité que l’on commence à rencontrer souvent, par ce temps de combinaisons économiques[1]. Mais qui dit monopole dit vente exclusive. Il faudrait donc remplacer l’expression « monopole d’achat » par quelque autre expression : Effertz a proposé ici le mot « monoone »[2].

Il y a plusieurs manières de classer les monopoles.

1° Si l’on considère la personne qui possède le monopole, on distinguera les monopoles publics et les monopoles privés : les premiers appartiennent aux États ou aux communes, les deuxièmes aux particuliers.

2° Au point de vue de l’origine, on distingue tout d’abord les monopoles légaux[3], et ceux qui résultent du jeu des forces économiques. On appelle

  1. Les cartels, dont nous aurons à parler bientôt, s’occupent assez souvent d’acheter pour les industriels qui en font partie. Il y a même des cartels dont c’est là l’objet unique, ou du moins principal, Cf. Bourguin, Systèmes socialistes, chap. 11, II §§ i-ii, p. 147-8, 151.
  2. Il y a dans ce mot le mot μόνος, seul, et la racine du verbe ὠνέομαι, j’achète. La formation du mot « monoone » n’est pas très correcte peut-être ; mais ce mot correspond exactement au mot « monopole », lequel est formé du verbe πωλέω.
  3. Les monopoles légaux peuvent être institués soit au profit de personnes morales administratives, soit au profit de particuliers.
    On notera que les monopoles de l’État, de la commune ne sont pas toujours créés par la loi. L’État, la commune, sans que la loi ait à intervenir, se trouvent être seuls parfois à pouvoir vendre une certaine marchandise : l’État français, par exemple, est propriétaire de certaines sources minérales.