Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/294

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tels constituent souvent, et les trusts toujours ? Si nous nous en tenons à ceux de ces effets qui concernent les prix, nous voyons qu’ils sont très controversés. C’est que, si l’on peut noter les variations que les prix des marchandises ont subies quand ces monopoles ont été établis et depuis qu’ils existent, l’examen de ces variations ne permet pas de formuler immédiatement des conclusions : il faut faire intervenir ici d’autres considé rations encore, par exemple celle des progrès que la technique a pu réaliser depuis la création de nos monopoles.

En somme, il parait bien que les cartels et les trusts ont élevé les prix. Le grand trust américain du pétrole, la Standard oil Company, fondée en 1882, vendait le gallon de pétrole raffiné, en 1899, 0,0796 franc à New-York, alors que cette même unité valait 0,0807 en 1881 ; la différence de prix entre le pétrole raffiné et le pétrole brut, cependant, était passée de 0,0604 en 1881 à 0,0487 en 1899. Mais l’abaissement eût pu être beaucoup plus considérable, puisque le trust, en 1900, a pu distribuer 225 millions de francs de dividende, soit 45 % du capital. Le cartel allemand du sucre, entre 1900 et 1902, a haussé de 32 % le prix du sucre raffiné. Et l’on peut multiplier de pareils exemples.

Un fait à signaler, c’est que les cartels et les trusts, souvent, vendent sensiblement moins cher à l’extérieur que dans leur pays. Les produits étant vendus au dedans, grâce à la protection douanière, un prix supérieur à celui que la concurrence établirait, on peut vendre les mêmes produits, à l’extérieur, à ce prix qui serait celui de la concurrence ; on peut même les vendre un prix inférieur : cela, grâce à la diminution des frais de production que l’agrandissement de l’échelle de la production permet de réaliser.

Que les coalitions d’entreprises élèvent le prix des marchandises au-dessus de ce niveau qu’on peut appeler le niveau normal du régime de la concurrence, cela apparaît a priori comme nécessaire : ne suffit-il pas que celle élévation des prix soit possible, et qu’elle soit avantageuse au cartel ou au trust ? On a représenté, sans doute, que le cartel ou le trust, même contrôlant une très grande partie de la production, n’étaient point libres de régler leurs prix à leur guise. On est obligé de reconnaître, cependant, qu’ils ont une certaine latitude pour la détermination de ces prix. Et cette latitude est plus étendue qu’on ne dit souvent. Contre la concurrence étrangère, à l’ordinaire, le cartel ou le trust sont défendus par des droits de douane, ou tout au moins par la distance, qui grève les produits étrangers de charges plus ou moins lourdes. Les établissements rivaux du menu» pays, s’il en existe, sont obligés d’adopter les prix de notre cartel ou de notre trust ; sans quoi celui-ci les ruinerait en leur enlevant leurs acheteurs : sa richesse beaucoup plus grande lui permet de supporter plus longtemps, tout au moins sur les marchés où il sera nécessaire de recourir