Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/364

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Quelles sont donc les causes qui ont amené, dans l’époque moderne, le développement du commerce ? Parler de la facilité accrue des transports, ce n’est pas, semble-t-il, indiquer la cause prochaine de ce fait. Car il faut montrer pourquoi les transports plus faciles conduiraient les agriculteurs, les industriels à se décharger sur des intermédiaires du soin de vendre leurs produits.

1° À la vérité, les transports plus faciles sont pour beaucoup dans le développement du commerce. Mais c’est d’une manière indirecte qu’ils y ont contribué. Ils ont eu cette conséquence, en effet, que les marchandises se sont vendues à des distances parfois très grandes du lieu où elles ont été obtenues ; dès lors il est impossible ou tout au moins très difficile que ceux qui les ont créées entrent en relations avec ceux qui les consommeront : qu’on pense au cultivateur canadien qui fait du blé pour l’exportation, ou au maraîcher d’Algérie dont les primeurs trouveront leur écoulement dans les villes d’Allemagne.

2° Le développement du commerce, d’autre part, est résulté pour partie de la concentration de la production — concentration dont l’amélioration des moyens de transport, nous le savons, a été un des principaux facteurs—. Un petit industriel, par exemple, ayant une production restreinte, pourra écouler toute cette production dans son voisinage, et ainsi il n’aura pas besoin d’intermédiaires. Mais un grand industriel est obligé d’aller cher cher ses clients jusque très loin ; et ainsi il pourra se trouver dans la nécessité de se décharger sur d’autres du soin de placer ses produits ; il pourra du moins avoir avantage à le faire, afin de se consacrer avant tout à la fabrication de ces produits.

3" Ajoutons que dans beaucoup d’industries, jadis, on ne produisait que sur commande : de la sorte, le commerçant, comme intermédiaire entre l’industriel et ses clients, n’avait guère de raison d’être. Mais de nos jours ces industries sont devenues rares où l’on travaille sur commande ; cela pour plusieurs raisons, dont la plus importante apparemment est le rôle que joue dans la production le capital fixe. L’industriel qui a une installation, qui emploie un outillage coûteux est contraint de produire d’une manière continue, sans attendre les commandes. Il aura donc perpétuellement le souci de se défaire des produits qu’il aura fabriqués : et il s’adressera pour cela au commerçant.

La place que le commerce, comme profession distincte, tient aujourd’hui dans notre société, les statistiques professionnelles l’indiquent. En France, en 1866, il y avait 858.312 commerçants ; en 1896, on en comptait 1.494.666, en 1901, 1.692.539(1). En Allemagne, à la date de 1882,


Cf. Gide, Principes, liv. II, chap. 1, vi, et les Résultats statistiques du recensement de 1901, t. IV, p. 502.