Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/611

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priété foncière agricole dans le Royaume-Uni, à la suite de l’abolition, qui eut lieu en 1846, des droits qui protégeaient les céréales. Une deuxième crise, plus étendue, devait résulter plus tard de l’arrivée sur les marchés européens des grains et des autres produits agricoles des États balkaniques, de l’Inde et de l’Amérique. Dans la seule Angleterre, les propriétaires fonciers auraient vu la valeur de leurs biens baisser de 18 milliards de francs dans la période décennale 1875-1885. En France, d’après les enquêtes officielles, la valeur du sol utilisé par l’agriculture, après avoir monté de 60 milliards à 91 entre 1851 et 1882, aurait baissé au cours des 10 années suivantes dans une proportion variant de 12 % à 17 %. En Allemagne, on constate qu’une baisse à peu près générale du loyer des terres commence vers 1885. Depuis quelque temps toutefois, cette crise générale de l’agriculture dans les vieilles nations européennes semble terminée : il y a lieu certainement de compter parmi les plus importantes des causes qui y ont mis fin l’adoption, par la plupart des pays intéressés, d’un régime douanier très sévère pour l’importation des produits agricoles.

351. L’avenir. — Est-il possible, maintenant, de risquer des prévisions au sujet des variations futures de la rente agricole ? Occupons-nous de ces seuls pays dans lesquels il n’y a plus de régions à coloniser, et où la culture de la terre a déjà pris un caractère relativement intensif. Si nous faisons abstraction de ces changements qui pourront résulter pour la propriété foncière agricole, dans un pays ou dans l’autre, de modifications qui seraient apportées au régime douanier existant, il semble bien que parmi les facteurs qui peuvent influer sur la rente, ceux qui sont le plus susceptibles de varier sont la population d’une part, et d’autre part la technique agricole. Pour ce qui est de la population, nous la voyons qui s’accroît d’une manière continue et assez rapide presque partout ; et bien que cet accroissement ait commencé à se ralentir en bien des pays, il n’est pas à croire qu’il doive cesser avant quelque temps. De ce fait, la rente agricole tendrait à monter. Pour ce qui est, en deuxième lieu, de la tech nique agricole, outre que les progrès importants qu’elle a réalisés récemment ne sont pas encore d’une application générale, elle est susceptible de réaliser, et même très prochainement, des progrès qui pourraient être plus importants encore. Mais l’influence des changements de la technique agricole sur la rente peut s’exercer en des manières très diverses. En défi nitive, on se voit obligé de conclure que le revenu de la terre, qu’une opinion très répandue, mais très fausse, tient pour particulièrement stable, est exposé à varier dans l’avenir comme il a varié dans le passé, et même à subir des variations beaucoup plus fortes que celles que l’histoire nous montre ; mais on se gardera avec soin d’avancer rien d’autre.