Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/610

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monnaie — aurait été de 13 fr. 50 au commencement du xiiie siècle, de 26 francs à la fin de ce même siècle, de 4 fr. 80 seulement dans la période 1451-75, de 19 fr. 80 au temps d’Henri IV, de 14 francs dans le premier quart du XVIIe siècle, de 19 fr. 20 sous Colbert, de 11 fr. 40 dans les dernières années du règne de Louis XIV, de 20 francs sous Louis XVI, et de 26 francs encore en 1890. Ces illustrations correspondent assez bien avec les variations de la population comme aussi avec l’alternance des périodes de prospérité et de misère — variations et alternance qui s’expliquent en grande partie par des causes politiques —. Comme on peut s’y attendre, les mouvements de hausse et de baisse ont eu plus d’amplitude dans certaines provinces que dans d’autres. Dans l’Île-de-France, la rente moyenne par hectare aurait été de 20 francs dans la période 1601-25, de 32 francs dans la période 1775-90 et de 60 francs en 1890[1].

L’histoire de la rente agricole n’est pas sans ressembler pour l’Allemagne à ce qu’elle est pour la France. La hausse de la rente parait cependant y avoir été, depuis le XVIIe siècle jusque vers 1870, plus continue et plus forte que chez nous. Dans le Hanovre, les biens patrimoniaux de certaine famille donnaient, pour 100 de rente en 1597, 200 en 1644, 311 en 1735, 500 en 1806 et 1.400 en 1860. Entre 1819 et 1870, le fermage par hectare a monté, pour un certain nombre de domaines, de 9,9 marks à 18,81 dans le district de Gumbinnen, de 9,71 à 25,60 dans celui de Stettin, de 7,62 à 31,88 dans celui de Stralsund.

En Angleterre, il y a eu une hausse énorme de la rente entre 1770 et 1840, causée par l’accroissement de la population, et rendue possible en même temps par les droits qui protégeaient les produits agricoles nationaux. Le fermage de l’acre serait monté de 10 schellings à 50 et même à 70 à l’époque du blocus continental, pour se tenir encore entre 25 et 40 dans la période suivante. La rente agricole se serait élevée au total, pour l’Angleterre, à 6,5 millions de livres en 1798, et à 42,9 millions en 1860. Ce sont ces mouvements si accusés qui ont attiré l’attention des économistes anglais sur la rente, et provoqué la formation de théories comme celle de Ricardo.

En somme, si nous considérons particulièrement le XIXe siècle, nous voyons que pour les pays de l’Europe occidentale et centrale il a été marqué, tout d’abord, par une hausse relativement rapide et forte de la rente agricole. Cette hausse, cependant, ne devait pas se poursuivre sans interruption jusqu’à nos jours[2]. Une première crise a éprouvé la pro-

  1. Sur les variations historiques de la rente des terres en France, consulter d’Avenel, Histoire économique de la propriété, t. I (Paris, Imprimerie nationale 1894), liv. II, chap. 6-8.
  2. Voir dans le Handwörterbuch der Staatswissenschaften, t. I, l’article Agrarkrisis, par Conrad.