Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/613

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tent tout dans la condition des fermiers lorsqu’on passe de certains pays dans certains autres. Tandis qu’en Angleterre, par exemple, on voit les fermiers vivre largement et gagner de l’argent, ailleurs, dans la Terre de labour, en Flandre, en Irlande surtout, ils n’arrivent qu’au prix des plus grands efforts à assurer leur subsistance et celle de leur famille : n’est-ce pas qu’en Angleterre ils ne paient point aux propriétaires du sol toute la rente de leurs terres, et que dans ces derniers pays, au contraire, ils paient plus que la rente ? Mais cette conclusion n’est pas admissible. La rente, en effet, ne se définissant pas autrement que comme ce revenu que le proprié taire tire de son fonds quand il ne l’exploite pas lui-même, la redevance du fermier ne saurait que s’égaler à elle. Si donc les fermiers, comme on dit, gagnent de l’argent, c’est qu’ils ont, en plus de l’intérêt des capitaux qu’ils emploient dans leur exploitation, un salaire élevé, et sans doute aussi un profil. S’ils sont misérables, c’est que les salaires sont bas dans leur pays — de fait, la condition des fermiers n’est guère très dure que là où la population est surabondante et où la rémunération du travail est faible — ; et peut-être doit-on parler encore, dans ce cas, d’un profit négatif du fermier : car il n’est pas impossible que celui-ci, poussé par le désir d’être indépendant, et aussi par ces espoirs fallacieux que l’on conçoit si facilement quand on ne sait pas à l’avance à quels résultats on arrivera, consente à payer un fermage trop élevé, et que son revenu se trouve être, en définitive, moindre que ce qu’il serait s’il travaillait au compte d’un autre.

Nous venons de considérer, dans ce qui précède, le cas de ces contrées où la condition des fermiers se maintenait misérable pendant des périodes très longues. La classe des fermiers peut encore avoir à traverser des crises, elle peut avoir à souffrir temporairement des changements qui se produisent dans l’ordre économique. Une baisse a lieu dans la valeur des denrées agricoles ? Laissons de côté ces fermiers qui sont liés par des baux antérieurs ; ne nous occupons que de ceux qui contracteront postérieure ment à celle baisse. Ils pourront croire à un relèvement des cours ; alors, s’ils se trompent, si les causes qui ont amené la baisse sont destinées à persister, ils auront à supporter les conséquences de leur erreur. Un moment viendra, cependant, où il faudra bien que les fermages subissent une diminution. On peut imaginer, encore, une entente de ceux qui détiennent la terre dans une région, afin d’imposer aux fermiers des fermages exorbitants. En Roumanie, ces dernières années, on a vu des individus, en de certaines régions, prendre à bail toutes les terres disponibles, et réaliser ensuite de gros bénéfices en sous-louant ces terres aux paysans pour des prix beaucoup plus hauts que ceux qu’ils étaient accoutumés de payer. Los paysans étaient contraints de payer ces prix qu’on exigeait d’eux : car ils ne pouvaient vivre chez eux qu’à la condition de trouver des terres