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30. L’évolution des besoins. — Quand on considère l’évolution historique de l’humanité, on constate que cette évolution se fait à l’ordinaire, par rapport aux besoins, dans le sens d’une multiplication — ou si l’on préfère d’une diversification — de ceux-ci. Et en même temps les besoins des hommes se raffinent ; ce qui signifie que le développement de certains besoins généraux, comme le besoin esthétique, fait que les hommes attachent de plus en plus d’importance à la manière dont les autres besoins sont satisfaits : on tient de plus en plus à se loger dans des appartements bien décorés, comme on tient de plus en plus à porter des vêtements seyants, etc.

Les causes de cette évolution sont multiples : elle correspond — on s’en convaincra sans peine — au développement de la conscience et de la réflexion dans l’humanité, à la complication toujours croissante de la vie, et surtout au progrès du savoir, progrès qui fait naître sans cesse en nous des désirs nouveaux.

On exprime souvent la proposition historique que nous venons de formuler en disant que les besoins de l’homme deviennent d’âge en âge plus étendus. Cette façon de parler appelle des explications.

1° Dire que les besoins des hommes sont de plus en plus étendus, ce n’est pas nécessairement concevoir que l’on puisse faire la somme de ces besoins. Ce que l’on envisage ici, généralement, c’est le rapport des fins poursuivies avec les efforts, avec les dépenses — nous prenons le mot dans son sens le plus vague — qui sont nécessaires pour atteindre ces fins, les dépenses en question étant arrêtées à une certaine quantité.

On dira qu’un individu voit ses besoins s’accroître si quelque maladie vient à l’assaillir : car il lui faudra se guérir ou se préserver de souffrances dont il n’avait pas à se préoccuper jusque-là ; en ne dépensant pas davantage, il se condamnerait à avoir moins de bien-être. De même un individu aura plus de besoins qu’un autre s’il soutire plus vivement de certains maux, s’il a une nature plus « sensible ».

Quand un individu, maintenant, vient à connaître un plaisir nouveau, quand il arrivera à sentir plus vivement certains plaisirs, ses besoins s’accroîtront, pour autant que le désir peut être une peine quand on ne réussit pas à le satisfaire, ou qu’il n’a pas encore été satisfait.

Écartons même cette considération ; et supposons, par exemple, un individu qui vient à connaître la bicyclette. Si notre individu n’a que 3.000 francs à dépenser par an, peut-être ne voudra-t-il pas acheter une machine qui coûte 300 francs. Mais quel que soit son revenu, il est à coup sûr un revenu par rapport auquel l’achat de la bicyclette représentera pour lui une opération avantageuse, qui accroîtra le bien-être de notre individu. Il est une somme, par conséquent, qu’il est devenu plus avantageux à