Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/109

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elle est très éloignée d’être une condition suffisante. M. Fouillée s’est trompé en voulant démontrer la liberté au lieu de la constater directement dans les faits.

La deuxième des erreurs concernant la liberté que je tenais à signaler est celle qui consiste à concevoir la liberté comme un pouvoir infini, ou tout au moins débordant les manifestations qu’on en peut observer dans l’expérience. C’est ainsi que l’on se représente la liberté à l’ordinaire. Puis, en face de cette liberté, on place le déterminisme, que l’on entend lui aussi dans un sens absolu, que l’on fait exclusif de toute contingence. Et alors on se voit obligé de choisir entre la liberté et le déterminisme ; à moins que l’on ne tienne la gageure — car c’en est une véritablement, quand on a défini la liberté et le déterminisme de cette façon — de les admettre à la fois l’un et l’autre, comme a fait Kant, qui affirme la liberté du moi nouménal et proclame en même temps la détermination rigoureuse de nos actions en tant que faits d’expérience, et M. Fouillée encore, qui se flatte, grâce à l’artifice qu’on a vu, d’introduire la liberté dans un univers où régnerait cependant un déterminisme absolu.

Kant conçoit la liberté comme dépassant les faits : quand un homme commet un vol, il se croit en droit de dire, « en jugeant d’après la loi morale », que l’action aurait pu ne pas être commise[1]. Et pourquoi Kant a-t-il adopté une telle conception ? C’est d’abord à cause de la méthode qu’il suit, parce qu’il s’applique à présenter les idées à l’état de pureté parfaite[2]. Il s’est fait

  1. Raison pratique, p 173 (1re partie, I, Examen critique).
  2. Voir Raison pratique, Conclusion (p. 294).