Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/108

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de celle-ci en prenant comme point de départ la croyance des hommes à leur liberté. Nous nous croyons libres ; peu importe que tout d’abord cette croyance soit illusoire : l’idée de la liberté, du moment que nous l’avons, agit comme une force, tend à se réaliser ; et nous devenons libres par la vertu de cette idée.

Dans cette théorie, il y a quelque chose d’artificieux qui se laisse aisément percer. Dans quels cas, en effet, l’idée-force de la liberté interviendrait-elle ? Elle interviendrait toujours — M. Fouillée ne manque pas à le reconnaître — pour aider au triomphe de la raison, pour résister aux tendances que nous savons ne pas agir dans le sens du meilleur. Mais alors, de deux choses l’une. Ou bien la raison est agissante et efficace par elle-même : et alors, pour prouver la liberté, point n’est besoin du détour que M. Fouillée nous invite à faire. Ou bien la raison par elle-même est sans vertu : et alors on ne voit pas comment la croyance à la liberté, même jointe à l’aspiration vers la liberté, nous ferait libres réellement. M. Fouillée s’appuie sur la notion de l’idée-force ; or il est certain que lorsqu’une idée se présente dans la conscience qui est l’idée d’une fin réalisable, la conception même de cette idée ne va pas sans entraîner avec elle un commencement de réalisation ; mais s’il s’agit d’une fin non réalisable, il ne servira absolument de rien que nous concevions cette fin. En somme, ce qu’il y a lieu d’accorder à M. Fouillée est peu de chose : c’est à savoir qu’on ne peut être libre que si l’on croit à sa liberté. La conviction que vous êtes esclave de vos passions, que votre raison est impuissante paralysera cette raison. Mais si la croyance à la liberté peut être une condition nécessaire de celle-ci,