Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/117

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émises relativement au devoir. Il s’agit là d’ailleurs, moins d’un autre point de la doctrine que d’un aspect différent de la même conception : car la solidarité est on ne peut plus étroite entre la question du caractère rationnel ou naturaliste de la morale et la question de ce qu’il faut penser du devoir.

Ma première remarque est que Leslie Stephen ne fait pas assez grande l’influence de la raison sur la conduite. Il ne se refuse pas complètement à admettre cette influence ; il montre comment la raison assure la satisfaction des sentiments, d’ailleurs divers, qui dominent chez chaque individu[1] ; il montre encore comment elle opère parmi les croyances morales un travail d’unification, éliminant celles qui ne s’accordent pas avec des croyances plus générales[2]. Mais par ailleurs il affirmera que la moralité des hommes de bien — cette moralité qui pour lui est fondée sur le sentiment seul, et non sur la raison — ne sera nullement entamée par la constatation de la non-coïncidence de la vertu et du bonheur[3] : la réflexion, l’analyse, n’empêcheront pas certains hommes de se sacrifier pour leurs semblables, de donner leur vie pour se délivrer de la peine légère en somme que la sympathie, dans de certains cas, leur fait éprouver[4]. Et d’autre part il s’élèvera contre cette idée que l’on peut corriger les hommes de leurs défauts par des argumentations, en leur démontrant que ces défauts sont condamnés par la raison : il n’attendra leur amélioration que de la constatation qu’on leur

  1. 2, § 28-33.
  2. 4, § 28 (p. 167).
  3. Conclusion, § 2 (p. 434).
  4. 10, § 33.