Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/122

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tera qu’il n’y a aucun moyen de fonder l’obligation, celle contrainte mystérieuse, absolue, qui pèserait sur nous. Comment essaierait-on en effet de la fonder ? je n’aperçois que deux manières. L’une consiste à fonder l’obligation sur elle-même, c’est-à-dire à la donner comme certaine d’une certitude immédiate, à priori : c’est celle qu’a adoptée Kant, lequel commence par poser l’obligation comme un fait de la raison, et qui exercera sa subtilité à rechercher à quelles conditions l’obligation, l’impératif catégorique est possible, mais ne se demandera pas un instant si cet impératif catégorique, si cette obligation est réelle. Une telle méthode ne saurait nous satisfaire : nous ne pouvons admettre que la critique s’arrête précisément devant ce qui doit servir de base à tout le système de la morale, et qu’il est par là même le plus important de critiquer[1].

L’autre manière de fonder l’obligation consisterait à faire reposer celle-ci sur des vérités métaphysiques positives — s’il en peut être de telles —, sur l’affirmation, par exemple, d’un Dieu des prescriptions duquel la morale découlerait, ou d’un Bien suprême objectif vers lequel tout être serait attiré, qui serait par sa perfection même l’unique moteur de l’univers. Mais si la première méthode demeurait vaine, celle-ci est contradictoire ; car de deux choses l’une : ou bien la réalité extérieure à laquelle on suspend la morale ne nous détermine pas nécessairement à suivre celle-ci, et alors le caractère absolu de l’obligation est détruit ; ou bien son influence est nécessitante, et alors, aucune latitude

  1. Dans le même sens, voir Fouillée, La raison pure pratique doit-elle être critiquée ? (Revue philosophique, 1905, pp. 1 sqq.).