Aller au contenu

Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est plus forte qu’une autre : c’est de constater, quand ces deux tendances sont en concurrence, laquelle des deux l’emporte sur l’autre : ici, la simultanéité des deux phénomènes n’est que temporaire ; il faut qu’à la fin l’un des deux soit éliminé, ou condamné à demeurer inefficace, et ce refoulement montre justement qu’il est moins « intense ».

Je laisse de côté la question de l’intensité du désir, puisque, comme on l’a vu plus haut, le désir est quelque chose de composite, où entre à la fois la tendance en tant que force impulsive et l’attrait du plaisir ; j’arrive à l’intensité du plaisir. Cette intensité est, non point pareille tout à fait à la précédente, mais du même ordre cependant : elle se mesure de la même manière. Affranchissons-nous des impulsions aveugles qui agissent sur nous ; cela fait, mettons-nous en face de deux plaisirs : celui des deux vers lequel notre moi, ayant pris cette attitude, penchera invinciblement, celui-là pourra être dit le plus intense.

Toutefois contre cette façon de procéder, contre ces conceptions M. Bergson réserve une objection. J’ai pris pour accordé que plusieurs états pouvaient être donnés à la fois dans la conscience, et j’ai institué des comparaisons entre ces états. Cette méthode est-elle légitime ? M. Bergson, sans nier absolument que la I. Un plaisir peut être plus intense qu’un autre, en définitive, de deux manières : il peut être plus intense en ce sens qu’il tiendra plus de place dans la conscience, et il peut être plus intense en tant que plaisir, c’est-à-dire en ce sens qu’il sera plus agréable. Cette distinction est d’une grande importance. C’est en partie sans doute pour ne pas l’avoir vue que Stuart Mill s’est engage dans sa théorie malheureuse de la qualité des plaisirs. Sidgwick, lui, n’a pas manqué à la faire (Methods of ethics, I, 7, §2, p.89).