Aller au contenu

Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêmes que la volonté peut avoir de l’influence, c’est aussi sur les tendances, sur ces dispositions auxquelles les états affectifs sont liés : la volonté modifie les états affectifs non seulement d’une manière directe, mais encore indirectement. Stuart Mill note avec raison que l’aptitude à goûter certains plaisirs a besoin d’être acquise, et qu’on peut aussi la perdre. Un homme, je suppose, n’a aucun plaisir à écouter la belle musique ; si moyennant une étude prolongée — c’est là une peine qu’il s’infligera — il doit arriver à comprendre la musique, à goûter par elle des plaisirs vifs et fréquents, il pourra lui être avantageux d’entreprendre cette étude. Il y a là, comme partout en morale, une question d’espèces : chaque individu doit mettre en balance d’une part le mal qu’il lui faudra se donner pour créer en lui telle tendance, telle disposition, et d’autre part les plaisirs qu’il se procurera par ce moyen ; il tiendra compte, pour cela, de ses facultés, du temps qui peut lui rester à vivre, et d’une série d’autres données encore.

Comme Stuart Mill, mais avec plus de force, Nietzsche a insisté sur l’importance qu’a dans la morale la considération des virtualités ; et comme cette considération ne comporte pas la certitude, il a parlé des risques que le « surhomme » devait courir, des expériences qu’il devait tenter perpétuellement. Et sans doute le surhomme ne travaille pas seulement pour lui-même ; il travaille aussi pour contribuer à produire une race supérieure. Mais même d’un point de vue individualiste, même en négligeant, en outre, ce plaisir particulier que les natures aventureuses puisent dans le risque, la conception de Nietzsche doit trouver sa place dans l’hédonisme : pour arriver à plus de bonheur