CHAPITRE II
L’UTILITÉ GÉNÉRALE
I
Nous avons jusqu’ici isolé l’individu par l’abstraction. Il faut, maintenant, prendre en considération les rapports que cet individu entretient avec les autres êtres. Par là nous serons amenés à substituer au principe de l’utilité individuelle celui de l’utilité générale, à remplacer — pour parler le langage de certains philosophes[1] — l’hédonisme par l’utilitarisme. Il nous apparaîtra que la fin morale c’est, non pas notre bonheur personnel, mais le bonheur en général — le bonheur se mesurant, comme l’on sait, par l’excès des plaisirs sur les peines — ; qu’à intensité égale, le plaisir d’un de mes semblables, homme ou bête, a la même valeur devant la raison que le mien propre ; qu’ainsi la morale nous prescrit de vouloir la plus grande somme possible de bonheur pour l’ensemble des êtres capables d’éprouver du plaisir et de la peine[2].
Ç’a été la préoccupation on peut dire de tous les